« L’âme des peuples », des récits de l’intérieur

Clotilde WARIN

Rédactrice en chef de la Revue, Confrontations Europe

« Parce que pour connaître les peuples, il faut d’abord les comprendre », c’est la devise de la collection « L’Âme des Peuples », qui compte désormais trente ouvrages, nous invitant à découvrir, de façon approfondie et intimiste, des pays. En ces temps de défiance et de réinterrogation des récits nationaux, elle s’avère bien utile.

« L’Âme des peuples » : le nom de la collection de ces petits livres est déjà porteur de promesses, à la fois invitation au voyage et cheminement vers la connaissance. Les premiers livres de la collection s’intéressent aux voisins tout proches. « La collection a des racines européennes absolues », explique son directeur de collection, Richard Werly, correspondant du quotidien suisse Le Temps à Paris. « C’est à Athènes qu’elle est née, il y a quatre ans. Je couvrais alors la crise grecque. J’avais rencontré beaucoup d’économistes, d’experts, mais, fin 2012, j’ai interviewé le philosophe grec, Stelios Ramfos qui m’a très solennellement dit : “Vous ne parviendrez jamais à réformer un pays sans comprendre et connaître son peuple”. Pour lui, la crise grecque n’était pas économique, mais culturelle. Cela a été un déclic. » La collection « l’Âme des peuples », était née.

Publiés chez Nevicata, une maison d’édition belge spécialisée dans le récit de voyage et le documentaire au long cours, ces petits ouvrages à la belle maquette épurée, se lisent bien souvent d’une traite. On y trouve, tout d’abord, un récit personnel proposé par un auteur, fin connaisseur du pays, qui est souvent un journaliste ou un universitaire. « C’est un récit incarné », précise Richard Werly, qui a, lui aussi, beaucoup voyagé en tant que grand reporter. Souvent écrit à la première personne, ce récit tente de façon presque intimiste de décrypter l’esprit d’un peuple, son histoire, ses valeurs… Il s’agit en quelque sorte de pénétrer les viscères d’un peuple, de le comprendre, l’appréhender et le refaire vivre sous sa plume. Ensuite, dans une deuxième partie, l’auteur se livre à un « exercice d’humilité », pour reprendre les termes du directeur de collection, en proposant trois entretiens avec des personnalités du pays : le plus souvent, un historien, un sociologue et une figure plus décalée : artiste, architecte, écrivain ou essayiste…

Le dernier né de la collection est la Hongrie au sous-titre explicite : L’angoisse de la disparition. Cette attention à la dimension culturelle prend tout son sens dès que l’on s’attache à retracer le parcours d’un nouvel entrant dans l’Union européenne. De fait, comme tient à le préciser, Richard Werly, « il a manqué un accompagnement culturel, psychologique des nouveaux pays de l’Union. Alors que ces pays venaient de vivre des décennies de négation de leur âme, on a pensé que l’économie allait faire le travail d’acculturation. On voulait leur vendre l’Europe, on avait juste oublié le client. Ce qui a manqué à l’Union européenne, c’est un département “Âme des Peuples”. » La lecture de ces petits livres, entre récit de voyage et essai, nous offre ce supplément d’âme.

EXTRAITS DE « HONGRIE, L’ANGOISSE DE LA DISPARITION » PAR FRANÇOISE PONS

« Seuls sur une île, perdus dans un océan slave, comme assiégés : ainsi se perçoivent les Hongrois qui restent marqués par leur histoire d’occupations successives depuis le seizième siècle. La domination de l’Empire ottoman, des Habsbourg puis le communisme ont aiguisé cette sensibilité. »

◗ Balàsz Ablonczy, historien, professeur à l’Université ELTE de Budapest : « Nous sommes un peu désillusionnés par l’Europe en ce sens que nous n’avons pas rattrapé l’Autriche, notre frère ennemi dans l’histoire, notre objectif tant rêvé. Nous sommes frustrés de travailler comme des malades et avec la même qualité qu’à l’Ouest, mais pour un salaire de misère ».

◗ Jànos Lackfi, poète, écrivain, traducteur : « La sensibilité de notre bon Hongrois se sent blessée par l’esprit de standardisation venant de Bruxelles : il voudrait faire autrement, c’est-à-dire tout seul ».

◗ Soos Eszter Petronella, politologue : « Avec un Occidental on parle du Fidesz comme d’un parti conservateur. Mais en réalité en Hongrie, être conservateur c’est être communiste, car le communisme a brisé toute tradition. Il n’y a rien à protéger du passé. (…) En Hongrie, la droite est révolutionnaire : elle veut créer un pays d’après sa propre vision ».

 

Retrouvez les livres de la collection publiée aux éditions Nevicata : Allemagne, ­Croatie, Espagne, Grèce, Hongrie, Italie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne pour ne citer que les pays de l’Union européenne. Sans oublier les petits livres dédiés aux villes européennes : ­Bordeaux, Bruxelles, Milan, Vienne. La collection compte déjà trente ouvrages en français. Au printemps prochain, deux livres paraîtront en anglais : Birmanie et Bruxelles.

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