Quelle autonomie stratégique pour l’UE ?

Policy paper de Confrontations Europe soutenant la construction d’une autonomie stratégique européenne en vue de la Présidence française du Conseil de l’Union.

Le 25 novembre dernier, Clément Beaune, Secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, a adressé un courrier à Michel Derdevet sollicitant une contribution écrite de Confrontations Europe, visant à nourrir sa réflexion dans le cadre de l’élaboration du programme de travail de la France en vue de sa présidence de l’UE au premier semestre 2022.

Dans ce policy paper, transmis à Monsieur Beaune le 19 décembre dernier, Confrontations Europe propose de faire de l’autonomie stratégique européenne, le fil conducteur de la Présidence française à venir.

En effet, la multiplication des crises auxquelles l’UE est confrontée, au premier rang desquelles la crise du Covid-19, interroge les dépendances économiques et politiques de l’UE. La pandémie a agit comme un accélérateur des tendances politiques qui structurent l’intégration européenne : Elle accentue les trajectoires positives de fond qui caractérisent la politique communautaire, notamment la solidarité entre les Etats membres qui s’est manifesté dès le printemps dernier et qui s’est incarnée dans le domaine médical, avec la prise en charge de patients par des pays voisins dans les régions transfrontalières, ou encore dans le partage de matériel de santé, un enjeu déterminant dans la lutte contre le virus. La solidarité s’est aussi matérialisée en matière économique, avec l’approbation par les 27 d’un plan de relance historique, à l’issue du sommet européen de juillet dernier, ou encore par la mise en place de programmes innovants dans le domaine de l’emploi (SURE – Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency) ou de politiques monétaires ambitieuses (le PEPP – Pandemic emergency purchase programme – de la Banque centrale européenne). Mais la crise sanitaire souligne et accélère également les passions tristes de l’Europe qui lui préexistaient : retour à la souveraineté nationale dans les mesures de gestion de la pandémie, inégalités sociales, précarité numérique, difficultés d’accès à l’emploi pour les jeunes… Elle a également mis en lumière les dépendances de l’économie européenne, sur les plans sanitaire et numérique.

Cette crise ouvre un momentum politique que l’UE doit saisir. L’Europe doit ainsi assumer et approfondir son rôle dans les échanges internationaux. Celui-ci se caractérise par l’autonomie stratégique d’une Union consciente de sa place parmi les grandes puissances, ouverte sur le monde, plus que par la convocation d’une souveraineté liée à l’émergence de l’Etat nation, et trop souvent associée à un protectionnisme obsolète.

Cette autonomie stratégique est la condition de la construction d’un sentiment d’appartenance européen par les citoyens. L’Europe, forte d’une culture et d’une histoire commune, doit s’affirmer pour résister aux menaces extérieures, défendre le multilatéralisme et promouvoir la paix. Dans un monde de concurrence croissante entre Etats et de montée en puissance des nationalismes, la dépendance stratégique de l’UE serait à la fois le symptôme du déclin de son rôle sur la scène internationale, mais aussi un facteur accélérant le poids des forces plaidant pour un retour de la souveraineté nationale au cœur du débat public, faisant peser le risque d’une désintégration de l’Union.

Enfin, la multiplication des biens communs appelle à une intensification de leur gestion politique au-delà des frontières : espace de sécurité et de justice, maîtrise des frontières et politique solidaire de l’asile, plan ambitieux pour la transition écologique, politique énergétique, autonomie numérique, économique, industrielle et monétaire. Cette autonomie stratégique repose sur la force du marché unique mais ne s’y résume pas. Elle constitue un ensemble de valeurs, de biens et d’intérêts partagés, forgés par les 70 ans d’histoire de la construction européenne. Elle se matérialise par la gestion solidaire et collective des biens communs, ainsi que par la promotion des normes, valeurs et intérêts européens à l’échelle mondiale.

Dans ce contexte, Confrontations Europe souligne et développe trois enjeux déterminants pour l’émergence d’une autonomie stratégique européenne :

  1. La construction d’un capitalisme européen structuré autour du développement durable ;
  2. La défense d’une Europe mondiale, consciente de son rôle parmi les grandes puissances ;
  3. L’élaboration d’un nouvel avenir commun pour l’UE, marqué par le renforcement de la participation démocratique des citoyens.

Ce policy paper est accompagné, en annexe, d’une série de recommandations politiques concrètes, s’inscrivant dans l’agenda législatif dense qui caractérisera l’agenda de la Présidence française au 1er semestre 2022.

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