Union de l’énergie : « assurer une gouvernance équilibrée »

Michel MATHEU

Directeur du Pôle Stratégie UE chez EDF

Trois questions à Michel Matheu, directeur du Pôle Stratégie UE chez EDF, sur les enjeux des discussions actuelles sur la gouvernance de l’Union de l’Énergie.

Face aux nombreux défis auxquels l’Union de l’Énergie tente de répondre (réduction des émissions de CO2, sécurité ­énergétique etc.), l’approche holistique de la Commission européenne est-elle la bonne démarche à suivre ? Peut-on combiner une politique européenne de l’énergie ambitieuse et une flexibilité d’action pour les États ?

Michel Matheu : Le concept d’Union de ­l’Énergie créé par la Commission européenne permet d’éviter d’avancer de manière désynchronisée et incohérente, en travaillant sur cinq dimensions en même temps : la sécurité d’approvisionnement, ­l’intégration des marchés, la décarbonation, l’efficacité énergétique et l’innovation. Le ­projet de gouvernance conçu par la Commission est équilibré : il accorde une place centrale à la transparence des États, et établit un partage raisonnable puisque, d’un côté la Commission fixe des orientations qui peuvent également inciter à des évolutions, et que, d’un autre côté, chaque État a la liberté de fixer son « mix énergétique », et donc une flexibilité dans le choix de sa trajectoire de décarbonation.

Sur le fond l’Union de l’Énergie est un véritable pas en avant pour traiter intelligemment de ce, qu’en jargon bruxellois, on appelle le « trilemme » de la politique de l’énergie : il s’agit de réussir à trouver un compromis, inévitablement imparfait, entre des exigences de sécurité d’approvisionnement, de compétitivité économique et de développement durable. Il reste cependant un point faible : la réforme du Système d’Échanges de quotas d’émissions de l’UE, lancée par la Commission précédente, est presque achevée alors que le paquet Énergie est toujours en discussion. Or des mesures dans des domaines comme l’efficacité énergétique ou les énergies renouvelables affectent le marché du carbone, et ces effets ne sont pas pris en compte. En particulier, le prix du carbone va se trouver déprimé. Or un prix trop bas rend la décarbonation moins efficace, ce qui a un effet négatif sur l’économie et peut contraindre les choix d’un État.

Le Parlement européen va bientôt adopter sa position sur la Gouvernance de l’Union de l’Énergie : quelle est la priorité d’EDF pour la suite des discussions ?

M. M. : Nous avons deux grandes priorités. La première est de conserver l’équilibre entre les objectifs définis par la Commission et la marge de manœuvre laissée à chaque État membre alors qu’un certain nombre d’amendements proposés dans le rapport parlementaire vont à contre-sens de cette philosophie. Le rapporteur du Parlement voudrait créer une gouvernance bien plus stricte, allant même jusqu’à fixer des objectifs contraignants nationaux. Notre deuxième priorité est de traiter le problème de cohérence que je viens d’évoquer : aujourd’hui des politiques comme celles en faveur de l’efficacité énergétique ou des énergies renouvelables perturbent le marché du carbone. Des amendements visant à obliger la Commission à évaluer les effets de ces politiques, voire à prendre des mesures correctives, ont été déposés, et nous allons les appuyer car ce débat est la dernière fenêtre d’opportunité pour traiter ces problèmes avant les années 2020.

Comment assurer la prévisibilité nécessaire aux investissements dans les énergies renouvelables sans la mise en place d’objectifs contraignants pour les États membres ?

M. M. : Il faut distinguer deux questions : faut-il des objectifs ? Et qui doit les définir ? L’industrie peut s’accommoder d’objectifs nationaux précis – on peut discuter s’ils doivent vraiment être contraignants – et cela crée effectivement une assez grande prévisibilité. Mais c’est aux États membres, et non à Bruxelles, de les fixer : c’est ce que les gouvernements ont clairement exprimé en 2014 lors du Conseil Européen. Par ailleurs il est souhaitable que ces objectifs restent raisonnables, sans quoi ils engendreront des coûts qui pèseront sur l’économie.

Propos recueillis par Morgane GORET-LE GUEN, chargée de mission à Confrontations Europe.

Michel Matheu est intervenu au séminaire Énergie, organisé par Confrontations Europe le 28 septembre dernier, à Bruxelles, animé par Michel Cruciani, conseiller Énergie à Confrontations Europe. À ses côtés, Florie Gonsolin, Manager Énergie & Climat au Cefic (European Chemical Industry Council) a contribué aux travaux du séminaire tout comme Ignacio Perez-Caldentey de l’Unité Coordination de la politique énergétique à la DG Energy de la Commission européenne et Carlos Zorrinho, député au Parlement européen (Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates).

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