Pour un cadre européen qui favorise l’innovation sociale

Sandrino GRACEFFA

Administrateur délégué, SMart

Le concept des coopératives de plateforme est attrayant, mais son développement se heurte à différents
freins.

Pour un cadre européen qui favorise l’innovation sociale

Premièrement le modèle coopératif recouvre des réalités très diverses, allant des petites coopératives où des travailleurs mutualisent leurs outils de travail (comme par exemple des artisans coopérants qui partagent un four à céramique) aux chaînes de supermarchés Leclerc. Ensuite, la forme juridique n’est pas un gage de vertu : certaines coopératives mettent en oeuvre une gouvernance collective (horizontale) alors que d’autres ont un processus décisionnel plus « classique » (vertical). En outre, la coopérative de production impacte le rôle du travailleur: le double statut de travailleur salarié (donc subordonné) et de co-propriétaire du capital et/ou de l’outil de travail (donc entrepreneur), brouillant les catégories classiques, peut soit faire peur soit véhiculer une image romantique de petites entreprises où les décisions sont prises collectivement, dans une gestion horizontale. Cette vision idéalisée empêche qu’on puisse envisager des coopératives ouvertes de grande taille, ce qui, de ce fait, cantonne les coopératives à une petite économie, tout comme les structures de l’ESS.

 Mais le plus grand problème est avant tout d’ordre financier : dans le modèle coopératif, les dividendes sont limités, ce qui peut freiner les investisseurs classiques. Ceux qui ont intérêt à investir dans ces coopératives sont l’ensemble des parties prenantes (dont les usagers), les pouvoirs publics (en ce qui concerne les services d’intérêt général) et enfin les mutuelles d’assurance et banques coopératives, qui s’interrogent sur la manière de réinvestir les moyens qu’elles ont réussi à engranger. Or, ce que les plateformes digitales qui marchent le mieux ont réussi à faire, c’est justement à attirer des investissements im- 4 portants (sur le modèle capitalistique classique) avec des projets qui « présentent bien ». Elles se définissent comme étant l’économie collaborative, mais il y a peu de réelle collaboration sur les plateformes digitales les plus connues, et l’économie collaborative préexistait à sa forme numérisée (pensons aux circuits courts de consommation, au co-voiturage…). Le vrai problème avec les plateformes digitales nétarchiques est l’aspect social : ce n’est pas tant qu’elles n’endossent pas leur rôle d’employeur et se considèrent uniquement comme un intermédiaire (elles ont tout de même l’avantage de permettre à des milliers de gens de travailler de manière autonome), le vrai problème est qu’il existe des travailleurs (dont ceux des plateformes digitales) qui n’ont pas accès à la protection sociale. SMart fait l’opposé de ces plateformes en endossant le rôle d’employeur pour protéger au mieux les travailleurs autonomes et irréguliers. Quel que soit le mode opératoire, il est urgent de développer une taxation du travail et des cotisations sociales qui permettent une réelle protection sociale qui protège tous les travailleurs, y compris ceux des plateformes.

Pour conclure, afin de promouvoir les coopératives de plateformes, comme d’ailleurs d’autres types de solutions socialement durables, il faut de l’innovation sociale. Pour cela, il faut pouvoir expérimenter, car il n’y a pas d’innovation sociale sans un minimum de transgression des cadres existants. Il serait envisageable cependant de mettre en place un cadre règlementaire qui favorise l’expérimentation sociale en concertation avec les différentes parties prenantes. Le cadre pourrait idéalement être conçu au niveau européen et appliqué à différents niveaux.

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