Pas de croissance sans une stratégie européenne de coopération industrielle

Philippe HERZOG

Président Fondateur de Confrontations Europe

Les dirigeants européens vont chercher à endiguer la crise de l’Eurozone en pleine aggravation, mais ils ne sont pas encore prêts à consolider ses fondations par un progrès qualitatif d’intégration économique et politique. Une initiative de croissance digne de ce nom pourrait, en ouvrant cette perspective, contribuer à l’audace de transformation des structures et à la confiance des investisseurs.
Il s’agit de partager des souverainetés pour une stratégie dont le moteur doit nécessairement être l’industrie et dont la méthode ne peut reposer que sur une forte coopération et mutualisation des projets et des ressources. Ce que refusent nombre d’Etats membres de l’UE 27 voulant garder le maximum d’indépendance de leur politique économique.
C’est pourquoi nous proposons que des États volontaires, membres de la zone euro ou au-delà, se réunissent pour travailler à une stratégie commune de coopération industrielle.
 La France, l’Italie, l’Espagne et la Pologne notamment ont vocation à le faire, tout comme l’Allemagne, qu’il faut convaincre. L’Eurogroupe doit être mobilisé et renforcé pour assumer l’initiative avec la légitimité et les outils nécessaires.
La Commission, le Parlement européen et le Conseil doivent en même temps se concentrer sur leurs  fonctions et tâches prioritaires : la rénovation  du  grand marché, la supervision et la redéfinition des perspectives financières.
Dans une deuxième phase de la rénovation du grand marché, l’UE 27 doit changer ses modèles de marché et de financement : assujettir la politique de concurrence à une stratégie industrielle, bâtir les réseaux d’infrastructures d’intérêt commun, valoriser les investissements de long terme. Trop de règles en vigueur favorisent la compétition intérieure à couteaux tirés et dissuadent la coopération, c’est-à-dire le partage des coûts et des risques pour le développement de tous.
L’industrie et la masse de services qui lui sont associés doit être le moteur d’une nouvelle croissance parce que là sont les sources majeures des gains de productivité et de compétitivité. Quant à la demande, il est certes important qu’elle ne diminue pas dans l’espace communautaire et donc qu’elle bénéficie d’un soutien en Allemagne, mais les potentiels massifs de demande se situent hors d’Europe, dans les pays émergents, et on ne peut pas les exploiter sans une offre d’exportation compétitive  constamment renouvelée de la part des pays européens. En Europe, seule l’Allemagne en dispose aujourd’hui. Pire, la désindustrialisation dont sont victimes de nombreux pays européens est certes liée à leurs négligences de longue date, mais elle n’est pas sans lien avec la puissance de feu industrielle de l’Allemagne dans les échanges intracommunautaires.
 
Il faut donc agir unis pour aller à la compétition mondiale et aider les pays faibles et vulnérables à monter leur offre industrielle compétitive. Il ne s’agit pas de leur proposer des zones franches à très bas coûts mais une véritable solidarité industrielle, avec ce que cela exige de retour des investisseurs pour des co-investissements d’intérêt stratégique commun avec des garanties mutualisées. A défaut, les divergences actuelles feront exploser l’Eurozone et désintégrer le grand marché. Ajoutons  que  l’industrie verte, présentée à juste titre comme une dimension majeure du renouveau, peut s’avérer un mirage meurtrier si elle est conçue sans considération sérieuse des coûts, contre le renouvellement des industries traditionnelles, et dans l’ignorance totale des problèmes de  compétitivité intra- et extra-communautaires.
Nous avons élaboré dans cet esprit une contribution précise et détaillée : « Une stratégie industrielle européenne fondée sur la coopération  – Six piliers et vingt-cinq propositions ». Il est temps que la discussion s’engage.

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