L’Europe a besoin de dialogue social

Yves BAROU

Président du cercle des DRH européens

Le développement d’un dialogue entre les partenaires sociaux est la marque de fabrique de l’Europe. Yves Barou démontre qu’en dépit des nombreux obstacles, l’Europe doit continuer à écrire l’histoire sociale.

Malgré les différences entre les pays, liées à l’histoire, notamment celle des organisations syndicales, le modèle européen avec des syndicats indépendants, implantés dans les entreprises, tranche singulièrement avec les modèles nord-américain ou chinois.
Nos histoires sociales nationales se sont construites à travers ce dialogue social, certes avec des hauts et des bas. Il a été entrecoupé par de multiples conflits et des périodes de glaciation. Néanmoins, c’est lui qui a insufflé les grandes évolutions sociales.
La question est maintenant de savoir si l’Europe peut continuer cette histoire au niveau européen. Depuis Jacques Delors, l’Europe sociale semble patiner du fait d’un élargissement non préparé, d’une poussée des approches libérales et de la crise de ces dernières années.
Pourtant les avancées sont bien réelles : mise en place des comités européens ; multiplication des accords d’entreprises au niveau européen ; émergence de syndicats européens par branche, notamment pour l’industrie et les services ; développement de bonnes pratiques sociales au sein des entreprises européennes.
Mais sur la grande scène européenne, les citoyens s’interrogent sur le sens d’un projet européen qui oublie la dimension sociale, alors que les économies divergent de plus en plus depuis le Traité de Lisbonne qui prétendait pourtant organiser l’inverse.
L’ouverture faite récemment par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, est peut-être une chance historique pour dépasser le cercle vicieux entre la phobie de Business Europe pour ce dialogue, par peur de contraintes nouvelles, et le doute des syndicats sur un dialogue qui n’aurait que pour objet de faire passer l’austérité…
Mais le chemin conduisant à un véritable dialogue social européen nourrissant des pratiques sociales convergeantes vers une Europe sociale paraît encore si loin que les premiers pas ne sont guère évidents à définir. En voici quelques pistes aux trois niveaux qui, dans chaque pays, se sont mutuellement nourris : l’entreprise, la branche, l’interprofessionnel.

  1. Au niveau de l’entreprise européenne, il est possible aujourd’hui, sur la base de la centaine d’accords signés, d’aller plus loin ; ces accords ont été possibles du fait de la volonté d’entreprises pionnières et de syndicats européens comme IndustriALL malgré l’absence de cadre juridique. Sans en faire une obligation, l’Europe a aujourd’hui le devoir de fournir un cadre optionnel pour sécuriser ces accords et valoriser ceux qui innovent.
  2. Au niveau des branches, il y a aussi beaucoup à faire et ce niveau est essentiel pour deux raisons. C’est le seul moyen de réduire progressivement le dumping social entre entreprises européennes ; et c’est aussi le seul moyen pour que les PME ne soient pas oubliées, et donc cela permet d’éviter le dualisme que l’on constate par exemple en France où un fossé s’élargit entre les salariés des branches d’entreprises protégées, bénéficiant d’avantages substantiels, et les autres.
  3. Au niveau interprofessionnel enfin, les avancées apparaissent inévitablement plus difficiles, mais devraient se nourrir progressivement des innovations dans les entreprises et les branches. Il faut donc être modeste et accepter de dégager par la discussion une vision partagée des enjeux et des bonnes pratiques de référence. En bref ne pas chercher des accords historiques impossibles mais baliser le terrain par des constats d’accord ou de désaccord. L’essentiel est aujourd’hui d’alimenter ce dialogue sans chercher trop vite à le conclure tant les différences entre pays comme entre patronat et syndicats sont grandes. L’essentiel est de se parler, de mieux se connaître.

Mais à quel niveau ce dialogue doit-il être privilégié ? Au niveau global bien entendu quand cela est possible. Mais il n’y a aucune raison de se limiter à ce large et ambitieux périmètre. Dans d’autres domaines, on expérimente des approches actives au sein d’un cercle plus réduit. Pour- quoi ne pas appliquer, en fonction des sujets, ce qui est pratiqué par exemple dans le cas de la défense ? La zone euro a, en tout cas, des défis spécifiques à relever : dotée d’une seule monnaie et de règles économiques communes, il est anormal qu’elle ne recherche pas une démarche sociale originale qui puisse devenir le moteur de l’Europe sociale de demain. Une démarche commune en évitant de commencer par les sujets les plus difficiles, comme celui des salaires, mais en recherchant des convergences dans des domaines plus structurels comme la sécurité au travail ou la formation. Dans ces domaines, l’Europe a écrit d’une certaine manière l’histoire mondiale autour de ses valeurs : les droits de l’homme et la promotion sociale.

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