Les enjeux de la nouvelle commission pour les grandes banques

Dominique GRABER

Directrice des Affaires publiques européennes de BNP Paribas, vice-présidente de Confrontations Europe

Les grandes banques ont pâti de l’excès de régulations préconisées par les deux dernières Commissions. Il serait temps qu’elles retrouvent une véritable compétitivité au niveau international. Dominique Graber, directrice des Affaires publiques européennes de BNP Paribas, nous propose quelques pistes d’action concrètes de mise en œuvre.

Un bilan en demi-teinte. Les deux dernières commissions ont été marquées par une avalanche réglementaire dont l’objectif, fixé par le G20, était de renforcer la stabilité financière et d’assurer une croissance durable. Qu’en est-il dix ans après ? Le président du Conseil de Stabilité financière(1) Mark Carney reconnaissait dans une lettre envoyée en juillet 2017 au G20, que « the largest banks are considerably stronger, more liquid and more focused »(2). Compte tenu des gigantesques efforts réalisés par les banques, on pourrait espérer que cela ait contribué à rassurer les États et les superviseurs. Il n’en est rien. Les superviseurs ne trouvent jamais les règles de protection de leur marché assez dures d’autant qu’ils ne font confiance à leurs collègues que pour s’allier dans la surenchère : tous les ratios imposés par le Comité de Bâle ont été systématiquement aggravés dans leur application par l’Union européenne. La pilule est amère pour les grandes banques européennes : profitabilité en berne par rapport à leurs concurrentes américaines, pertes de parts de marchés. D’après une étude(3) réalisée par le cabinet de conseil Oliver Wyman, la part de marché des banques américaines dans les activités de banques d’investissement en Europe est passée de 40 % à 50 %. Plus grave encore, le financement transfrontière des grandes banques internationales, qui s’est replié de 44 % en 2007 à 34 % à la mi-2018, s’explique intégralement par le reflux en Europe.

S’inspirer des États-Unis
Il est nécessaire de traiter certaines questions de façon urgente. Les réserves des États membres proviennent du fait qu’ils savent qu’une nouvelle crise de la zone euro ne peut être exclue et le lien souverain-banque a été d’autant moins rompu que les banques domestiques des pays les plus endettés détiennent une proportion excessive de titres publics nationaux dans leurs bilans. Combiné au ratio de liquidité court terme mis en place par la CRR2(4), un règlement transposant des standards mis en place par le Comité de Bâle, ainsi qu’à une politique monétaire depuis longtemps trop laxiste, le mélange est détonant. Il est urgent que les États membres réduisent drastiquement leur dette publique pour répondre aux critères de Maastricht.

Quant aux superviseurs des pays hôtes qui obligent les filiales des banques internationales à geler du capital, de la liquidité et des instruments de « bail-in » à l’échelon de chaque entité, il conviendrait de les rassurer par la mise en place d’engagements leur garantissant un soutien financier de la maison-mère en cas de problème bancaire. Ils pourraient aussi veiller à la bonne application des règles plutôt que de les durcir systématiquement au mépris des incidences sur la croissance.

Il faudrait s’inspirer des États-Unis qui ont entrepris de consolider le travail réglementaire réalisé dans l’urgence au travers d’une consultation proposée par le Trésor peu après l’entrée en fonction de la nouvelle administration. Cela les a conduits à retarder la transposition de certains standards bâlois, voire à les modifier lorsqu’ils n’étaient pas adaptés à l’environnement économique américain. En Europe, la Commission avait aussi lancé, fin 2015, un « call for evidence » qui avait permis d’identifier des redondances et de nombreuses contradictions dans l’avalanche de nouvelles réglementations adoptées en silo, mais n’en a pas tiré toutes les leçons. La nouvelle Commission devrait reprendre le dossier et épurer les textes en vue de rendre la réglementation plus « intelligente ».

Il conviendrait notamment de tirer les conclusions de la nécessaire désintermédiation bancaire qu’implique Bâle 3 en se donnant les moyens de développer des marchés de capitaux européens. Du côté de la demande, deux mesures devraient être prises : la modification des calibrages de Solvabilité 2 permettrait aux assureurs d’investir en actions et en titres longs et devrait être doublée d’une incitation au développement de fonds de pension dans les États membres qui n’en ont pas. Du côté de l’offre, le développement d’un actif européen assis sur une titrisation « true sale »(5) de crédits immobiliers (l’actif le plus répandu) allégerait le bilan des banques et offrirait aux investisseurs internationaux un actif européen dans un marché rapidement suffisamment profond pour concurrencer les obligations d’État allemandes (Bund), ou les obligations assimilables du Trésor français (OAT). Le temps presse…

1) Ou Financial Stability Board (FSB). Le FSB est un groupement économique international créé lors de la réunion du G20 à Londres en avril 2009 et qui prend la suite du Financial Stability Forum avec pour objectif de promouvoir la réforme de la réglementation financière internationale.
2) « Les plus grandes banques sont considérablement plus fortes, ont plus de liquidités et sont plus dédiées. »
3) Vers une Europe bancaire plus intégrée. Le cas français, par Elie Farah (Partner) et Philippe de Fontaine Vive (Senior advisor), 2017. Consultable en ligne.
4) Capital requirements regulation.
5) « Cession parfaite ».

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