Climat : place à la société civile

Michel CRUCIANI

Chargé de mission au Centre de Géopolitique de l’Énergie et des Matières Premières de l’Université Paris-Dauphine

L’encre de l’Accord de Paris, à peine sèche, il convient d’ouvrir sans attendre les chantiers de l’après COP21. Bien que l’accord engage les États, la société civile est appelée à jouer un rôle majeur, particulièrement en Europe.

P.27-climatL’accord unanime obtenu à Paris le 12 décembre 2015 marque un tournant dans l’attitude de l’humanité face au risque climatique. Désormais, la totalité des pays de la planète conviennent qu’il faut agir et aucun État ne subordonne son action à celle des autres. Chaque pays demeure libre du programme qu’il entend mettre en oeuvre, mais les dispositions qu’il retient seront exposées aux yeux de tous et sujettes à des mises à jour régulières. En parallèle à ces contributions nationales, l’accord prévoit des mesures transverses, dont la plus forte consiste en une obligation pour les pays développés de mobiliser au moins 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à s’adapter au changement climatique engendré par le stock de ces gaz déjà accumulés dans l’atmosphère. Cette obligation sera supervisée par un organe recensant les besoins, assurant une coordination des efforts et vérifiant la bonne appropriation des aides. Enfin, le rôle des acteurs non étatiques est officialisé par l’instauration d’un « agenda des solutions », ouvert aux collectivités locales, entreprises, ONG…
Bien que le texte n’envisage aucune sanction, et ne puisse donc être qualifié de « juridiquement contraignant », il semble acquis que la plupart des pays honoreront leurs engagements et prendront des mesures sérieuses pour réorienter de larges pans de leurs secteurs économiques. L’Union européenne poursuivra-t-elle son ambition de figurer toujours parmi les élèves modèles ? Les lignes de fracture, qui se sont creusées en 2015 entre les États membres de l’Union européenne, qu’il s’agisse de l’euro, des réfugiés ou des garanties constitutionnelles, laissent augurer de nouvelles divergences lorsqu’il faudra statuer sur les objectifs communs pour 2030. Les grands axes en ont certes été définis au Conseil européen d’octobre 2014, mais les dispositions concrètes à adopter restent complexes, avec pas moins de cinq grandes réformes à entreprendre dans le secteur de l’énergie : marché intérieur du gaz et de l’électricité, marché des quotas d’émissions (ETS), promotion des énergies renouvelables, obligations relatives à l’efficacité énergétique, et enfin contraintes en matière d’interconnexions électriques
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Aux doutes sur le futur cadre communautaire vont s’ajouter les incertitudes sur le comportement des grands acteurs économiques. À titre d’exemple, l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) engage ses membres à abandonner les aides au charbon (la France a ainsi décidé de stopper les aides à l’export octroyées par la COFACE sous forme d’assurance-crédit) et plusieurs banques ont promis de cesser ou restreindre leurs prêts à ce secteur (toujours pour s’en tenir à la France : BNP Paribas, Crédit Agricole, Natixis, Société Générale). Rappelons que l’Union européenne produisait encore 27 % de son électricité à partir du charbon en 2013, l’Allemagne et la Pologne étant respectivement 8e et 9e consommateurs mondiaux de ce combustible… Comment vont évoluer les filières industrielles concernées ? Après le charbon, on pourrait envisager une contraction de la place du pétrole dans la prochaine décennie : la chute des prix entraînerait un ralentissement des investissements, et ces derniers ne retrouveraient pas leurs niveaux antérieurs en raison d’une moindre consommation dans le secteur des transports, si les signataires de l’accord de Paris mettaient dorénavant l’accent sur ce secteur jusqu’à présent peu touché par les mesures de sobriété énergétique.
Les conséquences potentielles de la COP 21 paraissent donc immenses, et le besoin de comparer des scénarios de transition n’a sans doute jamais été aussi fort. Parce que les institutions communautaires sortent affaiblies d’une série de crises, et parce que l’Accord de Paris légitime les initiatives indépendantes, Confrontations Europe et ses partenaires se trouvent particulièrement bien placés pour organiser les indispensables débats à l’échelle européenne. Des restructurations majeures s’annoncent sur notre continent ; elles deviendront supportables, voire dynamisantes, si chacun peut s’assurer que les efforts sont partagés et si des perspectives nouvelles sont ouvertes à tous. N’est-on pas là au coeur du projet de Confrontations Europe ?

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