Chine et émergents : quelles conséquences sur la zone euro ?

Patrick Artus

Chef économiste,
membre du comité exécutif de Natixis

La Chine et les grands pays émergents (Brésil, Afrique du Sud, Turquie…) subissent un fort et, semble-t-il, durable ralentissement de leur croissance. Les conséquences négatives sur la zone euro de telles crises sont-elles le fait de mécanismes de l’économie réelle ou liées à l’irrationalité des marchés financiers ?

P30-dragon-MASLe fort ralentissement de la croissance en Chine, dans les autres pays émergents et dans les pays exportateurs de matières premières, affecte la zone euro par de multiples canaux : le commerce extérieur, la production des entreprises européennes dans ces pays, la baisse des prix des matières premières mais aussi l’augmentation de l’incertitude qui génère une forte volatilité sur les marchés financiers.
Les difficultés économiques de la Chine, des autres pays émergents et des pays exportateurs de matières premières peuvent, selon certains analystes, compromettre la reprise économique de la zone euro. Mais est-ce dû à un mécanisme de l’économie réelle ou à un mécanisme financier, y compris irrationnel ?
La Chine subit aujourd’hui une très forte perte d’activité, avec une « véritable » croissance bien inférieure à la croissance officielle de 7 %, probablement voisine de 3 %. Cette baisse est liée à la dégradation de la compétitivité- coût de la Chine, provoquée par la hausse rapide, depuis la fin des années 1990, des coûts salariaux, alors que le niveau de gamme de la production en Chine reste faible ou intermédiaire. Il en résulte un recul de la demande pour les produits chinois, et en conséquence l’affaiblissement de l’investissement des entreprises chinoises.

Difficultés durables des émergents

Beaucoup de grands pays émergents – le Brésil, l’Afrique du Sud, la Turquie, dans une moindre mesure l’Inde – subissent un ralentissement important de leur croissance, surtout industrielle lié, dans ce cas, à des problèmes d’offres : insuffisance de la main-d’œuvre qualifiée, de la production d’électricité et des infrastructures de transport.
Il est important de noter que les difficultés de l’ensemble de ces pays vont être durables puisqu’il ne s’agit pas de problèmes cycliques, mais de problèmes structurels durables : perte de compétitivité, insuffisance des investissements publics, prix bas des matières premières.
La crise de la Chine, des autres pays émergents et des pays exportateurs de pétrole affecte d’abord la zone euro à cause du recul de leurs importations et donc du freinage des exportations de la zone euro vers ces pays. Ce qui réduit la croissance de la zone euro d’environ 0,8 point par an.
L’autre mécanisme touchant la zone euro, toujours par l’économie réelle, résulte de la baisse des prix des matières premières. Si, on se limite à l’énergie, qui a de loin le poids le plus important, on voit que la baisse des prix du pétrole et du gaz naturel a réduit les importations d’énergie de la zone euro de l’équivalent de 2 points du PIB de la zone euro.
Il est difficile de comparer les effets liés au freinage des exportations et ceux liés à la baisse des prix des matières premières : le premier réduit la croissance de la zone euro, mais le second est un gain net en termes de niveau de PIB. Si on se limite aux conséquences sur l’économie réelle, la crise de la Chine, des pays émergents et des pays exportateurs de matières premières n’a pas probablement aujourd’hui un effet net négatif sur la zone euro.

L’exubérance irrationnelle des marchés

Mais la transmission du choc venant de la Chine, des pays émergents et des pays exportateurs de matières premières se fait aussi par le biais de marchés financiers. L’incertitude sur les économies de ces pays a fait apparaître une très forte hausse de la volatilité et des primes de risque sur les marchés financiers (actions, obligations des entreprises). L’augmentation des primes de risque a conduit au recul des marchés boursiers (14 % durant l’été 2015 aux États-Unis, 20 % dans la zone euro) et à la hausse des taux d’intérêt payés par les entreprises sur leur dette obligataire (1 point pour les entreprises les plus solides, 2 points pour les plus fragiles). L’activité réelle a aussi été touchée négativement en raison de l’accroissement du coût du capital pour les entreprises, qu’il s’agisse de financement par dette ou de financement par actions. Ce qui a potentiellement affaibli l’investissement des entreprises.
Si les effets réels sur les États-Unis et l’Europe de la crise de la Chine et des pays émergents sont faibles (l’effet positif de baisse du prix des matières premières annulant l’effet négatif de baisse des exportations), la forte réaction des marchés financiers est alors irrationnelle, exagérée. Ce serait la sur-réaction des marchés financiers, et non la réaction objective directe de l’économie réelle, qui serait la pire menace pour les États-Unis et la zone euro.

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