Budget : opter pour la voie du « faire plus ensemble »

Jean ARTHUIS

Président de la Commission des budgets, député ALDE (Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe) au Parlement européen

Début septembre, le président Juncker a esquissé, lors de son discours sur l’état de l’Union, un sixième scénario possible pour l’avenir du budget européen. Jean Arthuis, député européen, président de la Commission des finances au Parlement européen, analyse pour Confrontations Europe l’état du budget et appelle à plus de flexibilité et d’efficacité.

Jean-Claude Juncker a évoqué, dans son discours sur l’état de l’Union du 13 septembre, un sixième scénario possible pour le budget communautaire. Cinq scénarios avaient été déjà présentés, en juin, par la Commission européenne dans le cadre d’une discussion(1) sur l’avenir du budget communautaire. Le Parlement européen fait le bilan de l’exercice en cours du Cadre Financier Pluriannuel (CFP) 2014-2020. Et le constat est sans appel : nous sommes à la fin d’un cycle et d’une pratique budgétaire. Il est temps de remettre de l’ordre dans la maison.

Au cours de l’exécution de ce budget de l’UE 2014-2020 – qui ne représente qu’1 % du PIB européen – l’accumulation de factures impayées a compressé le plafond de crédits disponibles, et grandement ralenti le démarrage de nouveaux programmes. A contrario, l’Union européenne souffre, depuis deux ans, d’une sous-exécution massive, en raison sans doute d’une complexité excessive des procédures. De plus, depuis 2014, des besoins nouveaux liés à la gestion de la crise migratoire et au nécessaire accueil des réfugiés ont fait augmenter les dépenses communes. Pour y faire face, le Parlement a recherché des marges de flexibilité : il a fallu concevoir, hors budget, des véhicules ad hoc. L’EFSI(2) en est une illustration heureuse. Mais sa dotation de garantie a raboté des programmes du budget UE. N’a-t-on pas atteint les limites de la flexibilité ? Il est urgent de ramener cette pléthore d’instruments dans un cadre budgétaire unique, cohérent et transparent.

Comment revisiter notre budget commun et selon quels principes ? Pour ma part, j’écarte les scénarios qui rétrécissent les ambitions de l’Union et je privilégie donc la voie du « Faire plus ensemble », et plus précisément le sixième scénario évoqué par le président Juncker.

Si le budget est l’expression d’une vision et d’une ambition politiques, l’Union a besoin de budget annuel ou pluriannuel capable de répondre aux nouveaux enjeux. Dès lors, il faut que les chefs d’État et de gouvernement définissent les priorités de l’Union, et apportent de la cohérence entre l’ensemble des politiques de l’Union. Il faut ensuite bâtir un budget en fonction. À titre d’exemple, on ne peut, d’un côté, se fixer des objectifs de prix pour la tonne de lait à travers la PAC, et de l’autre, négocier des accords commerciaux avec des pays vendant leur lait deux fois moins cher !

Principe de la valeur ajoutée européenne

La question qui doit être posée à mon sens est donc la suivante : quelles compétences seraient mieux exercées, tant en termes d’efficacité que d’économie de moyens, à l’échelon européen plutôt qu’à celui des États membres ? Je retiens l’hypothèse selon laquelle les citoyens attendent de l’Europe qu’elle les protège face aux menaces que fait planer la mondialisation. Quelles conséquences en matière de sécurité et défense, de croissance et d’emploi, de prévention des cyberattaques et de régulation du numérique, d’immigration ? Mais aussi, comment préserver les biens publics européens ?

Essayons de rendre ce budget plus efficace sur la base du principe de valeur ajoutée européenne et non selon une logique quantitative de redistribution ou de pure capacité d’absorption des fonds. Aujourd’hui, nous travaillons dans le contexte d’un budget de redistribution en faveur de la PAC et de la cohésion. À mes yeux, il faut envisager une révision de ces politiques. La PAC doit servir à prévenir la volatilité des prix agricoles et sécuriser le revenu des agriculteurs. Quant à savoir si le budget zone euro devrait être ou non une ligne à l’intérieur du budget de l’UE, le débat est ouvert.

Il nous faut également rendre le budget plus flexible afin de faire face aux inattendus. Pourquoi ne pas créer une Réserve de crise ? Mais gardons en tête que les nouvelles priorités doivent trouver de nouvelles ressources pérennes pour leurs financements.

Enfin, il me semble indispensable de favoriser de nouvelles ressources propres pour mettre un terme au poison du juste retour. Géants du numériques, ACCIS(3), taxe carbone aux frontières extérieures de l’Union ou Taxe sur les transactions financières : les pistes sont diverses, il faut faire avancer le débat.

Notre budget commun a besoin d’une refonte profonde. Et c’est pour cela qu’à mon sens, un tel enjeu doit être au cœur des élections européennes de 2019 afin de partager des choix de société structurants. Quel budget pour quelle Europe ?

1) « Document de réflexion sur l’avenir des finances de l’UE », Commission européenne, juin 2017.

2) Fonds européen d’Investissements Stratégiques ou fonds « Juncker ».

3) Assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés.

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