Brexit : l’UE face à un dilemme

Giles MERRITT

Fondateur et président du think tank « Friends of Europe » (Bruxelles)

Que le référendum sur le Brexit ait été considéré non seulement au Royaume-Uni mais également dans l’ensemble de l’Union européenne comme une question essentiellement nationale et non comme un enjeu à la dimension communautaire en dit long sur l’humeur politique actuelle en Europe toute en introversion. Le refus de la Commission européenne de contribuer au débat britannique en le nourrissant de faits et de chiffres, qui auraient été bien utiles aux militants du « Remain », ont été symptomatiques de l’étroitesse de vue de l’UE.

Le Brexit est désormais une réalité et risque clairement de constituer une menace pour l’ensemble de l’Union européenne. Non pas tant en raison des référendums que les eurosceptiques pourraient appeler de leurs vœux dans d’autres pays européens, mais parce que le Brexit a mis en évidence les faiblesses de l’UE. Des faiblesses que les gouvernements des États membres, plus préoccupés par leur propre souveraineté, ont longtemps préféré ignorer. Le projet européen a 60 ans, mais ses structures sont aujourd’hui sérieusement remises en question et semblent mal adaptées aux défis du XXIe siècle.

Le Brexit porte en lui-même une menace immédiate puisqu’il va entraîner la rupture de très nombreux accords signés avec les gouvernements européens. Les traités et les idéaux qui lient les pays européens sont déjà mis à mal et cette mise sous pression risque de s’intensifier. Bien que la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne ne soit pas directement responsable de cette situation, le vote a créé un nouveau climat dans lequel les engagements ne sont plus considérés comme intangibles.

L’intention de certains pays membres d’Europe centrale et de l’Est – notamment la Pologne et la Hongrie et potentiellement certains pays de Visegrad (République tchèque, Slovaquie) – de présenter un plan de réforme visant à diluer les pouvoirs de l’UE risque d’engager l’UE sur une pente très dangereuse. Sans oublier le fossé qui s’accroît entre les pays de la zone euro du nord et du sud, ni les questions fortement controversées que soulève la crise actuelle des réfugiés et des migrants.

Si l’on regarde le bon côté des choses, le Brexit n’est pas nécessairement un désastre à tous points de vue. S’il permettait de sortir l’Europe d’une forme de léthargie qui la conduit à ne plus jouer qu’un rôle considérablement réduit à l’échelle mondiale en termes économiques et de sécurité, il pourrait apparaître comme une bénédiction déguisée. Les optimistes – dont je fais partie – gardent l’espoir que l’Union européenne répondra au Brexit par des réformes clairvoyantes capables de l’engager dans la voie de la modernisation pour la rendre plus efficace et donc plus populaire auprès des électeurs européens.

Il s’agit là d’un besoin évident, car l’Europe est confrontée à des difficultés économiques croissantes. Dans la majorité des pays européens, les garanties sociales sont menacées par une croissance molle et des perspectives commerciales sombres. La répartition inégale des richesses, le chômage des jeunes et les controverses politiques autour de l’immigration génèrent des tensions sociales. L’UE est prise dans un cercle vicieux : pour renforcer le dynamisme économique, elle a besoin d’une plus grande unité politique, mais elle n’y parviendra que dans un meilleur climat économique.

Le Brexit peut du coup apparaître finalement comme le sursaut dont l’Europe a tant besoin. La diminution et le vieillissement de sa population active, les réponses tardives et inadaptées apportées à la globalisation et à l’ère numérique auraient dû tinter comme un signal d’alarme depuis longtemps. L’Union européenne doit impérativement reconnaître ses propres carences et admettre qu’elles sont en grande partie responsables de la baisse de sa popularité à travers l’Europe.

Mais le Brexit place également l’UE face à un dilemme délicat. Si les conditions de retrait du Royaume-Uni sont mal gérées et excessivement punitives, les autres pays pourraient être tentés d’avoir recours à un référendum sur la question du maintien ou non de leur pays dans l’Union européenne. Et de même, des concessions importantes accordées aux Britanniques risquent d’entraîner une succession de requêtes similaires. Pour sortir de ce dilemme, Bruxelles n’a pas d’autre solution que de replacer les négociations avec Londres dans un contexte approprié en revisitant le nécessaire « esprit de décision » qui doit prévaloir dans la détermination de l’UE. Il s’agit de mettre en commun les volontés politiques et par là même les processus de prise de décisions. Il n’y a pas eu de déclic en faveur d’une véritable réforme de l’UE depuis la Convention européenne malheureuse de 2003. Aujourd’hui, pour le meilleur ou pour le pire, le Brexit ouvre la voie à de nouvelles perspectives.

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