Ambition et vigilance

Marcel GRIGNARD

Président de Confrontations Europe

Refondation tant souhaitée du projet européen ou poursuite d’un repli conduisant au délitement ? Tout est possible tant les événements récents décrivent des trajectoires divergentes. Dans un long discours, le 26 septembre dernier, le président français propose une Europe qui permettrait d’affronter les défis auxquels citoyens européens et du monde sont confrontés. Deux jours plus tôt, les élections en Allemagne avaient acté le recul des partis au pouvoir depuis des décennies et consacré la montée de l’AfD, parti anti-européen et xénophobe. En dépit d’une grande stabilité, l’Allemagne n’est donc pas épargnée par la crise du politique qui, à des degrés divers, touche toute l’Europe. En Autriche, l’extrême droite s’est renforcée, à l’occasion des élections législatives du 15 octobre. L’affrontement entre indépendantistes catalans et gouvernement espagnol, fracture menaçante au sein d’un des grands pays de l’Union européenne, illustre la difficulté de conjuguer avenir des territoires et destin commun reconnaissant les différences.

Le discours d’Emmanuel Macron trace des perspectives et aborde l’essentiel des sujets qui préoccupent les citoyens et questionnent l’avenir de l’Europe. Quelques semaines plus tôt, le président Juncker a émis des propositions visant le même objectif. Au total, les deux dirigeants mettent sur la table de nombreuses propositions, les unes précises, d’autres peu abouties. Pas toutes à même de résoudre les problèmes auxquels elles sont censées faire face. Mais l’essentiel est bien là : enfin, des dirigeants prennent à bras-le-corps l’enjeu de la refondation de l’Union européenne, et leurs propositions invitent au débat. Un débat qui doit permettre de lever les ambiguïtés, de définir des priorités, de formaliser des compromis qui rassemblent l’ensemble des Européens.

Il va falloir que les chefs d’État trouvent les voies de l’intérêt commun compatible avec les situations nationales sans oublier les citoyens en cours de route. Exercice compliqué tant le doute et la défiance sont installés, tant les intérêts et les préférences nationales sont hétérogènes.

La période qui s’ouvre mobilise toute notre énergie et notre vigilance, bienveillante et critique en même temps ; rien ne garantit les résultats, mais il faut réunir les conditions pour ne pas faire de cette opportunité une occasion gâchée.

Faire l’effort de mieux connaître et comprendre les autres Européens est un impératif. L’union dans la diversité est une très belle devise. La mettre en œuvre, c’est s’obliger à ne pas projeter nos solutions nationales sur des réalités qui leur sont étrangères, facteur de divisions entre Européens.

Or, l’unité et la solidarité des Européens doivent être le fil conducteur d’une refondation destinée à redonner sens aux valeurs du projet initial de la construction européenne. Cela se vérifiera dans la clarté sur les objectifs de long terme. Cela se vérifiera surtout dans la précision des étapes de mise en œuvre et dans la cohérence d’une approche globale. Ainsi, dialoguer avec les pays d’Europe centrale pour régler le problème des travailleurs détachés tout en faisant de la zone euro, dont ils ne sont pas encore membres, le sanctuaire des enjeux économiques n’aurait pas de sens. Une  refondation ambitieuse de l’Europe est une tâche de long terme, succession de petits pas consolidant chaque fois la solidarité des Européens. Et requiert une réelle exigence mariant vision de long terme et attachement à dépasser les divisions trop nombreuses, sans en provoquer de nouvelles.

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