Qui a suivi le débat entre les Spitzenkandidaten ?

Lorène WEBER

Chargée de mission, Finance et Jeunes, Bureau de Bruxelles

Leurs noms ne sont pas forcément connus du grand public et peu (ou pas !) évoqués au cours de la campagne des Européennes. Et pourtant les Spitzenkandidaten concourent au poste de Président de la future Commission européenne. Le débat du 29 avril s’est déroulé en l’absence du candidat presqu’assuré de la victoire, mais controversé, et a décliné trois grandes thématiques.

Le 29 avril, cinq candidats tête de liste (ou Spitzenkandidaten) des partis politiques européens, visant le poste de Président(e) de la Commission européenne, se sont prêtés à un débat pré-électoral. Bas Eickhout (Parti vert européen), Frans Timmermans (Parti socialiste européen), Violeta Tomic (Parti de la gauche européenne), Guy Verhofstadt (Alliance des démocrates et libéraux pour l’Europe) et Jan Zahradil (Conservateurs et réformistes européens) ont exprimé leurs positions et leurs oppositions quant à leur programme européen. Manfred Weber (Parti populaire européen) n’a, lui, pas souhaité participer au débat, préférant se rendre à la fête d’anniversaire de son mentor Theo Waigel… Michel Barnier, considéré par certains observateurs comme le « shadow candidate » du PPE, donnait le même soir un discours à Leuven.

Les candidats se sont exprimés sur trois thématiques, préalablement choisies par un panel de jeunes électeurs : l’Europe du numérique, l’Europe durable et le futur de l’Europe.

Prises de position convenues

La première prise de parole des candidats a reflété les priorités des différents partis, sans surprises. Zahradil (ECR) a plaidé pour une « Europe flexible » et le respect des différences nationales. Timmermans (S&D) a célébré la liberté de circulation, affirmé son opposition aux nationalistes, et insisté sur l’égalité et le développement durable. Verhofstadt (ALDE) a mis en avant le besoin de développer une Europe forte, unie et compétitive face aux géants américains et chinois. Tomic (GUE) a défendu une politique anti-austérité. Eickhout (Verts/ALE) a soutenu une Europe verte, sociale et démocratique.

La première ligne d’opposition s’est dessinée entre le candidat conservateur et les quatre autres candidats, Zahradil défendant la prise de décision au niveau des Etats membres, alors que les autres candidats (en particulier Eickhout, Timmermans et Verhofstadt) ont plaidé pour une prise de décision au niveau européen pour les sujets dépassant les frontières nationales.

Sur le numérique, les constats et priorités diffèrent. Si Zahradil s’est félicité du travail effectué par l’UE en matière de développement du marché unique numérique, les autres candidats ont été plus critiques sur ce qu’il reste à accomplir. Verhofstadt a insisté sur la nécessité de développer des entreprises européennes du numérique, pour rendre l’Europe compétitive face aux géants américains et chinois. Timmermans, en revanche, ne considère pas que la priorité pour l’Europe soit de devenir un géant du numérique : pour lui, la priorité est la protection des données et la taxation des entreprises du numérique dans les pays où elles réalisent leurs profits. Il a ainsi proposé un taux minimum d’imposition des sociétés de 18% dans l’ensemble de l’UE, points sur lesquels l’ont rejoint Eickhout et Tomic, mais pas Zahradil ni Verhofstadt.

Quasi-unanimité sur l’importance des enjeux d’environnement

Tous les candidats ont ainsi déclaré soutenir les « Fridays for Future » (mouvement de grève scolaire hebdomadaire pour le climat lancé par la jeune Suédoise Greta Thunberg), à l’exception de Zahradil, qui a mis en garde contre le risque de politiques climatiques et environnementales adoptées à la hâte qui seraient susceptibles d’avoir des conséquences économiques et sociales négatives.

Un point d’opposition est ensuite apparu entre Verhofstadt et Eickhout sur la question du commerce international. Alors que le candidat libéral a insisté sur la nécessité d’inclure des standards environnementaux obligatoires dans les accords commerciaux de l’UE, Eickhout lui a vertement rappelé que son groupe (ALDE) avait récemment voté en faveur de l’ouverture de négociations commerciales avec les Etats-Unis, bien que ces derniers aient annoncé vouloir se retirer de l’accord de Paris.

Quel avenir pour le système des Spitzenkandidaten ?

Si l’exercice démocratique a été réussi, une chose est cependant à déplorer : ce débat sera resté confiné à la bulle bruxelloise. Retransmis exclusivement par Politico sur YouTube, et non pas par des chaînes de télévision nationales, les Spitzenkandidaten restent largement absents des espaces médiatiques et politiques nationaux. Un handicap alors que ce système même de désignation du Président de la Commission que le Parlement entend imposer est très largement remis en cause par plusieurs Etats membres, dont la France.

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