Quel serait le meilleur candidat américain pour les relations avec l’UE ? (Audio)

Anne MACEY

Déléguée générale de Confrontations Europe

Ce premier débat entre Hillary CLINTON et Donald TRUMP lundi 26 septembre dernier a été musclé, avec beaucoup de petites phrases pour décrédibiliser l’adversaire de part et d’autre ; CLINTON serait sortie gagnante. Mais on sait que ces débats renforcent surtout les idées préconçues des téléspectateurs sur les candidats et ne suffisent pas à inverser l’issue du scrutin prévue le 8 novembre prochain, dans moins de 6 semaines.

Quel serait le meilleur candidat à la présidence américaine pour les relations avec l’Union européenne ? Hillary Clinton plutôt que Donald Trump.
Mais l’issue est très serrée : Trump est en train de remonter dans les sondages, 20% d’Américains disent qu’ils ne savent pas encore pour qui voter, soit deux fois plus que la dernière fois, et Clinton ne suscite pas l’enthousiasme.

Le problème c’est que ce choix ne nous appartient pas à nous Européens, alors que les enjeux pour l’Europe sont considérables. C’est le cas dans trois grands domaines : la défense de l’Europe et l’ordre mondial, les relations économiques et le climat, les valeurs et la démocratie.

Implications pour l’ordre mondial et la défense de l’Europe
C’est la première fois que la question du rôle des Etats-Unis dans le monde fait l’objet d’un débat entre candidats à la présidentielle. Les deux candidats ont des vues opposées.

Trump est en rupture avec la politique menée par les Etats-Unis jusqu’à présent. Il est clairement isolationniste, ne se sent pas lié par les règles internationales construites depuis 1945, à la différence de Clinton.
Or, pour l’Europe comme pour le reste du monde, les Etats-Unis, même s’ils ont perdu de leur hyperpuissance des années 90, demeurent la puissance qui importe dans les différentes régions du monde.

Dans le même temps, Trump veut refaire de l’Amérique une grande puissance » (Make America great again »), l’imaginer en commandant en chef de l’armée américaine, lui qui est un admirateur de Poutine, est inquiétant, même pour les diplomates et militaires américains qui essayent de se convaincre sans y parvenir que le système américain a suffisamment de contrepoids (checks and balances) pour contrebalancer le tempérament imprévisible de Trump s’il était élu…
Il a déclaré qu’il n’était pas de la responsabilité des Etats-Unis de protéger l’Europe et l’Asie du Sud-Est, veut annuler l’accord nucléaire avec l’Iran.

En Asie, ce serait laisser toute la place à la Chine qui a des ambitions expansionnistes, alors qu’Obama venait de conclure un accord commercial pour endiguer la Chine. Trump (Clinton aussi) veut revenir dessus.
En Europe, les menaces pour notre sécurité vont croissant : la Russie essaye de redessiner les frontières européennes, y compris par la guerre. Trump élu, les Américains pourraient ne pas bouger si la Russie envahissait les Etats baltes qui font pourtant partie de l’Union européenne.

Il ne veut pas protéger « les pays qui ne paient pas » au sein de l’OTAN. Mais alors, s’il faut payer, autant construire une défense européenne ! quelques pas ont été faits dans cette direction récemment en Europe, avec un programme de R&I dans la défense, des projets de mise en commun de capacités, mais nous ne serions clairement pas prêts à contrer seuls une intrusion russe sur le territoire européen avant longtemps ! Cela devrait nous inciter à avancer vite sur ce terrain!

Autre menace importante pour l’Europe : le Proche-Orient est en flamme, la menace djihadiste s’étend. Et si Clinton a un plan pour contrer Daech qu’elle a publié sur son site Internet, Trump dit qu’il a un plan secret, mais en a-t-il seulement un ?
De son côté, Clinton, sur le plan de l’importance de l’Europe pour les Etats-Unis, s’inscrit plutôt dans la ligne d’Obama. Pour elle aussi, l’Amérique doit pivoter vers l’Asie. Dans les deux cas, cela doit nous pousser à nous activer sérieusement sur le plan de la défense européenne. Mais dans le cas Clinton, le parapluie américain ne serait pas retiré de suite, laissant la Russie libre d’envahir ses voisins.
Trump s’est aussi félicité du Brexit, ce qui montre le peu d’estime dans lequel il tient les Européens et confirme son populisme.

Economie et Climat

Les deux candidats ont une vision différente du mode de développement économique, social, environnemental nécessaire pour l’Amérique et ses relations avec le reste du monde.

Le bilan économique d’Obama est plutôt positif, mais Trump surfe sur le mécontentement de ceux qui se sentent « oubliés », dans un contexte de montée des inégalités et de stagnation des salaires, qui témoigne aussi d’une crise identitaire de l’Amérique. Beaucoup de ses supporters considèrent que Trump représente un risque mais qu’ils n’ont pas le choix vu l’état du pays. Il insiste sur le déclassement de l’Amérique et la nécessité d’un retour au protectionnisme économique : « Les Mexicains et les Chinois nous volent nos emplois » et veut augmenter les tarifs douaniers avec ces pays ; ce qui ne serait pas bon pour la croissance mondiale. Il veut ramener les emplois aux Etats-Unis en taxant les entreprises qui délocalisent. Il mettrait l’accent sur la réindustrialisation du pays ; ce qui devrait nous inciter en Europe à développer une vraie stratégie de compétitivité industrielle européenne en investissant massivement sur le territoire européen.

Les deux candidats ont dit qu’ils ne poursuivraient pas la négociation de l’accord de libre-échange avec l’Europe, le TTIP ou TAFTA ; ce qui serait un problème parce qu’il visait à se mettre d’accord sur la convergence réglementaire, la normalisation des affaires. Celui que l’Europe vient de signer avec le Canada par exemple ouvre aux Européens les marchés publics canadiens à tous les niveaux, inclut des appellations d’origine protégée pour notre agriculture, et une cour de justice publique.
On peut peut-être espérer que Clinton, si elle est élue, réouvrira des négociations avec l’Europe, sur une base un peu différente, avec un mandat plus transparent, et peut-être en intégrant les exigences de la COP21 sur le climat et des normes sociales plus élevées.

Sur le Climat, Trump est au contraire climatosceptique ! Il nie l’impact de l’homme sur le climat et veut tout simplement « annuler l’accord de Paris sur la COP21 ». Du coup, les Européens qui ne l’avaient pas encore adopté se dépêchent de le faire pour qu’au moins il puisse s’appliquer au reste du monde si Trump était élu.

En matière fiscale, on peut s’attendre à une concurrence fiscale plus forte de la part des Etats-Unis. Trump promet des baisses d’impôts et considère que « ça veut dire qu’il est malin s’il ne paye pas d’impôt », sans penser que c’est autant d’argent en moins pour les écoles, pour la santé, comme lui a rétorqué Clinton…
Les valeurs et la démocratie

Ce qui est frappant, c’est le degré de méfiance que les deux candidats suscitent à l’égard des citoyens ; ce qui est révélateur de la profondeur de la crise de la démocratie représentative, aux Etats-Unis aussi.

Trump appelle Clinton « Hillary la malhonnête », surfant sur des idées préconçues des Américains qui se demandent s’ils peuvent lui faire confiance suite aux affaires d’emails et de santé.
Trump, parfait populiste, adore les idées simplistes : il joue sur les émotions, plutôt que sur les faits et ne se gêne pas pour distordre la réalité si ça l’arrange. Hillary n’a pas arrêté de lui dire « Donald, je sais que tu vis dans ta propre réalité »… Trump élu, ce serait un appel du pied pour les populistes qui montent aussi en Europe…

La question de l’immigration et de la sécurité intérieure est clairement au centre du débat.
Clinton a clairement traité Trump de « raciste » et il a tenu des propos sexistes par le passé: il construire un mur avec le Mexique, pour empêcher l’immigration des Mexicains, qui amènent dit-il la drogue, le crime, les viols, ficher tous les musulmans déjà présents sur le sol américain, interdire l’accès au sol américain des réfugiés syriens et des musulmans.
Clinton elle veut au contraire créer des chemins vers la citoyenneté pour les étrangers présents depuis plusieurs années, dans un contexte américain marqué par une remontée des tensions raciales, malgré deux mandats d’un président noir Barack Obama. Trump essaye de regagner les votes des Afroaméricains et des Latinoaméricains en disant qu’ils vivent un enfer et qu’il va régler ça par « la loi et l’ordre », ce faisant il s’adresse à tous les Américains qui, après les attentats revendiqués par Daech, ont suscité une forte crainte du terrorisme, presque au niveau de celle qui avait suivi le 11 septembre. Clinton et Trump sont aussi opposés sur la question du port d’armes, qui n’est clairement pas une valeur européenne.

Dans le même temps, il y a souvent une différence entre les annonces avant élections et les actes une fois confrontés avec les réalités. Et puis, Clinton n’aura pas forcément les moyens de mettre en œuvre son programme. La Chambre des représentants devrait rester aux mains des Républicains. Clinton n’hésite pas à laisser entendre qu’elle gouvernera par décret.

Alors quel serait le meilleur candidat américain pour les relations avec l’Europe ? Obama. Mais il ne peut plus se représenter.

Nous vous proposons de réécouter l’intervention d’Anne MACEY sur RCF Bruxelles lors de l’émission consacrée au sujet de la campagne électorale outre-Atlantique (émission diffusée mercredi 28 septembre).

Html code here! Replace this with any non empty text and that's it.

Derniers articles

Articles liés

Leave a reply

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici