Une union bancaire plus que jamais pertinente

Silvia MERLER

Chercheur associée à Bruegel

Depuis près de dix ans, afin de répondre à la crise de 2008, l’Union européenne a mené de profondes réformes de son système bancaire, notamment en optant pour une centralisation de la surveillance du système bancaire. Mais il demeure d’importantes questions à régler notamment au regard des difficultés des banques italiennes.

Depuis la crise financière de 2008, l’Union européenne a engagé un processus continu de réforme de sa politique financière. Le cadre de surveillance de l’UE a fait l’objet d’une refonte complète, avec l’établissement de trois Autorités européennes de surveillance (les AES) pour la banque, les marchés de capitaux, et les régimes d’assurance et de retraite, ainsi que la création du Comité européen du risque systémique (CERS) chargé de surveiller les risques macro-prudentiels. La crise de l’euro a elle aussi apporté son lot de changements, avec la décision de créer, dans un premier temps, une Union bancaire dotée d’un organe supranational de surveillance centralisée, et, dans un second temps, une Union des marchés de capitaux dont l’objectif est de limiter la dépendance excessive des entreprises européennes aux prêts bancaires, véritable frein à la reprise. Cette évolution rapide et radicale a bien évidemment créé des frictions dans les pays où l’héritage du passé continue de peser, et en particulier en Italie.

Cela fait plusieurs années maintenant que le secteur bancaire italien fait parler de lui. Les banques ont bien résisté à la première vague de la crise financière internationale de 2008, n’étant pas exposées aux subprimes américains, mais lorsqu’en 2010, elle s’est muée en crise de l’euro, la situation du secteur bancaire italien a commencé à se détériorer sous l’effet combiné d’un nombre croissant de créances douteuses, de coûts structurels élevés et d’inefficacités sectorielles. Alors que l’Espagne, en 2012, avait été contrainte sous la pression des marchés de souscrire au programme d’aide financière de l’UE et du FMI, qui a entraîné la restructuration profonde du secteur financier espagnol, les banques italiennes sont parvenues à échapper à ce dispositif de surveillance et de restructuration en profondeur. La mise en place de la supervision centralisée des banques via le mécanisme de surveillance unique (MSU) a révélé les défaillances de longue date des établissements bancaires. En 2015, il est devenu impératif de trouver une solution, mais entre-temps, l’environnement réglementaire a connu une transformation majeure, avec un encadrement plus strict de l’utilisation des fonds publics dans le sauvetage des banques.

Lacunes persistantes du secteur bancaire italien

Avec la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (BRRD), l’UE a tenté de limiter le coût et l’incidence de ces renflouements en introduisant des conditions durcies concernant l’utilisation de l’argent public. Les actionnaires et les détenteurs de titres de créance junior ont désormais l’obligation de contribuer au financement du sauvetage des banques, mais cette exigence s’est avérée particulièrement problématique dans le cas de l’Italie, car les banques ont vendu des titres junior à des clients de détail ignorant bien souvent le risque réel d’un tel investissement. Résultat : la démarche italienne s’est caractérisée par une tendance à remettre à plus tard la recherche de solutions aux problèmes connus de longue date, pour essayer de limiter ou de compenser le contrecoup pour les détenteurs de titres junior.

Le fait que la centralisation de la surveillance ait permis de mettre au jour les lacunes persistantes du secteur bancaire italien montre toute la pertinence de l’Union bancaire et l’importance de sa concrétisation. Aujourd’hui, le système financier européen est plus sûr qu’avant la crise, et le changement de politique a été majeur, mais il reste quelques questions à régler.

Les derniers événements dans la saga du secteur bancaire italien, par exemple, témoignent de la nécessité d’un débat au niveau européen sur l’harmonisation des régimes d’insolvabilité pour compléter la directive BRRD. La Commission Juncker a récemment exprimé la volonté de réformer le Système européen de surveillance financière (SESF) pour intensifier et intégrer la surveillance des marchés financiers de l’UE, ce qui viendrait renforcer le rôle de coordination de toutes les Autorités européennes de surveillance et conférer de nouveaux pouvoirs de surveillance directe à l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA). C’est une proposition importante eu égard à l’objectif poursuivi, qui est de créer une Union des marchés de capitaux fonctionnelle et bien intégrée. En plus, ce serait l’occasion de doter l’UE des moyens de relever les défis posés par un secteur financier de plus en plus intimement lié à la technologie (avec l’avènement de ce que l’on appelle la « Fintech ») et qui évolue à l’échelle mondiale. Le cadre de surveillance de l’UE doit s’adapter en conséquence, en poursuivant le processus de réforme mis en œuvre en réponse à la crise financière internationale.

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