Une politique de sécurité énergétique à définir

Catherine LOCATELLI

Chargée de recherche CNRS (Économie du Développement et de l’Énergie), Université Grenoble-Alpes

Sécuriser l’approvisionnement en gaz des États membres a été, dès les années 2000, une préoccupation centrale de l’UE qu’elle a essayé de gérer par les règles. Mais une véritable politique de sécurité énergétique est nécessaire. Or, plus de quinze années plus tard, et alors qu’une Union de l’énergie a été lancée en 2014, les contours de cette gouvernance énergétique restent encore bien flous.

Dans le contexte de la création d’un marché unique et concurrentiel, la question de la sécurité gazière est devenue pour l’UE, depuis les années 2000, un thème central de sa politique énergétique. Elle a d’abord été posée comme un problème interne de régulation face à une réforme incomplète. Mais la dépendance extérieure croissante de l’UE concernant son approvisionnement gazier, la présence d’un oligopole de fournisseurs historiques (Algérie, Norvège, Russie et Qatar), les crises de transit entre la Russie et l’Ukraine et les volatilités des prix sur les marchés internationaux d’hydrocarbures, ont mis au premier plan de l’agenda européen l’enjeu de sa sécurité extérieure, et plus précisément celle d’un approvisionnement fiable et à des prix acceptables. Par ailleurs, l’importance de la Russie et de sa société gazière (30 % de part de marché) ainsi que la crise politique entre la Russie et l’Ukraine, ont généré pour l’UE un « risque spécifique russe ».
Dans un premier temps, en raison même de sa construction en tant qu’« État régulateur », l’UE a tenté de gérer sa dépendance extérieure et sa sécurité d’approvisionnement par l’exportation des principes, des règles et des normes de son modèle de marché libéral et concurrentiel à l’ensemble de ses fournisseurs gaziers extérieurs et aux pays de transit. Il s’agit fondamentalement de transformer leur gouvernance énergétique. C’est le sens de la Charte de l’Énergie mais aussi celui de la Communauté énergétique ou de la politique de voisinage. Le refus de la Russie de signer le traité de la Charte de l’Énergie en 2009 a mis fin à la tentative de l’UE de stabiliser ses relations énergétiques avec un de ses principaux fournisseurs par le seul biais d’un cadre juridique multilatéral contraignant et repose la question des modalités de gestion de l’interdépendance entre l’UE et ses fournisseurs.
Il est clair que les acteurs impliqués dans l’interdépendance entre l’UE et ses fournisseurs de gaz naturel sont de différents ordres, impliquant des approches différenciées des enjeux de sécurité énergétique. Le premier niveau d’analyse où se jouent les conflits de régulation pose la question des relations entre l’UE et les États producteurs, mais aussi entre chaque État membre de l’UE et les États producteurs. En matière d’énergie, chaque État membre garde la souveraineté sur son mix énergétique et plus largement sur les orientations de sa politique énergétique. Ceci contraint à introduire des distinctions parfois importantes entre la politique énergétique de l’UE et celle de ses États membres (cf. les positions divergentes à propos de Nord Stream). Dès lors, l’idée d’une Union de l’énergie lancée en 2014, avec pour objectif de sécuriser l’approvisionnement gazier de l’UE, s’est progressivement imposée comme un projet visant à construire une politique de l’énergie unifiée de l’Europe. L’une des mesures phares de ce projet, à laquelle se sont opposées un certain nombre de compagnies gazières, consistait en une négociation conjointe UE-compagnies gazières des contrats avec les fournisseurs.
Le deuxième niveau incontournable de cette sécurité gazière est bien celui des compagnies et de leurs relations contractuelles. Les enjeux sont ici différents. La diversification gazière encouragée par l’UE, notamment au travers d’une fourniture en GNL (gaz naturel liquéfié), couplée à la révolution des gaz de schiste aux États-Unis, et la possibilité d’exportations significatives de GNL américain, ont modifié en profondeur le marché gazier de l’Europe du Nord-Ouest. En présence d’un marché plus concurrentiel, les fournisseurs ont été contraints de s’adapter, avec des modifications substantielles des contrats de long terme Take or Pay. La concurrence oblige les compagnies des fournisseurs de l’UE à se normer. Mais dans cette logique concurrentielle voulue par Bruxelles, on ne saurait oublier que la Russie et Gazprom disposent d’atouts considérables, dont celui du coût de livraison à la frontière européenne. Au-delà d’une seule gestion par la concurrence, la définition d’une politique de sécurité énergétique de l’UE s’impose. Elle passe sans doute par un dialogue avec les producteurs d’hydrocarbures et la définition d’une politique étrangère européenne.

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