Retour sur le « non » au référendum italien

Edoardo REVIGLIO

Chef économiste à la Cassa Depositi e Prestiti

Les Italiens ont rejeté, lors du référendum de décembre dernier, la réforme constitutionnelle proposée et défendue par Matteo Renzi. Quelles leçons tirer de cet échec pour l’Italie, mais aussi pour la démocratie ?

La réforme constitutionnelle proposée par Matteo Renzi a été rejetée à 59 % des voix. La victoire nette et massive du « non » au référendum porté par Renzi en personne constitue un très fort désaveu de son gouvernement. Il a donc démissionné, et au bout de quelques semaines, un nouveau gouvernement a été constitué par l’ancien ministre des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni. Je voudrais faire trois brèves observations à ce sujet.

La première concerne les futures perspectives politiques de l’Italie à court et moyen terme. Matteo Renzi, une grande partie de la coalition de centre droit (et également le parti Forza Italia de Berlusconi) et le Mouvement 5 étoiles appellent à des élections anticipées en avril. Toutefois, il est peu probable que ce scénario se réalise, avant tout parce qu’une nouvelle loi électorale devrait être votée avant la tenue de nouvelles élections. Il semble inévitable de devoir harmoniser les deux chambres au préalable, sans doute sur la base d’un système proportionnel. Et trouver des points de convergence en vue de l’adoption d’une nouvelle loi électorale ne sera pas une tâche facile, ni rapide. Le scénario le plus probable est celui de la tenue d’élections au printemps 2018 sous le gouvernement de Gentiloni, à la fin de la législature actuelle. Des rumeurs circulent sur un possible plan B pour l’Italie, avec la nomination de Mario Draghi au poste de Premier ministre en 2018. De fait, un système proportionnel pourrait préparer le terrain pour la nomination d’un technocrate externe soutenu par une solide majorité au Parlement. C’est un scénario possible pour 2018, lorsque Draghi aura clarifié son programme d’assouplissement quantitatif (QE). Il pourrait même démissionner quelques mois avant la fin de son mandat.

Ma deuxième observation concerne la nature des réformes constitutionnelles proposées par le gouvernement Renzi, et peut se scinder en deux points. Tout d’abord, je voudrais revenir sur la restitution à l’État de pouvoirs et tâches qui ont été transférés aux autorités locales avec l’introduction d’un système fédéraliste fort en 2001 (réforme du Titre V). Le problème, c’est que ces tâches et compétences ont été transférées sans autonomie fiscale. Sur ce premier point, les propositions de réforme étaient tout à fait justifiées. Deuxièmement, je voudrais parler de la tentative de passage d’un système bicaméral à un système monocaméral, c’est-à-dire sur le projet de transformation du Sénat en une sorte d’assemblée locale non élue dédiée à certains sujets spécifiques. L’objectif était de réduire les coûts (argument peu valable) et d’accélérer le processus législatif (argument plus solide). Toutefois, le second point n’est que partiellement vrai. Le problème n’est pas les « allers et retours » des projets de loi d’une chambre à l’autre (ce qu’on appelle « la navetta »). Aujourd’hui, les lois passent par une procédure accélérée qui ne nécessite qu’une majorité simple, et peuvent être mises rapidement en place grâce aux « decreti attuativi ». Bien souvent, le processus est ralenti intentionnellement car il est au centre d’une véritable lutte pour le pouvoir entre politiques et bureaucrates. Ceci étant dit, la seconde partie de la réforme constitutionnelle de Renzi contenait des propositions intéressantes, mais insuffisantes pour opérer des changements importants.

Ma troisième et dernière observation porte sur le modèle démocratique occidental. Les pays où les risques de dictature sont très faibles (comme les États-Unis et le Royaume-Uni) peuvent se permettre de conserver des gouvernements forts et des systèmes bipartites. En revanche, les pays qui ont été confrontés à des gouvernements autoritaires (comme l’Italie et l’Allemagne) et qui ont, en outre, une tradition corporatiste plus marquée (et j’entends cela dans un sens positif), sont susceptibles de mieux fonctionner avec un système multipartite et un mode de scrutin proportionnel.

L’Europe continentale a opté pour un modèle à l’anglo-saxonne dans de nombreux secteurs de la vie européenne, pas toujours avec succès. Si nous voulons sauver l’Union européenne, et nous y avons tout intérêt, nous devons prendre une position fédéraliste plus ferme au niveau européen. C’est l’une des leçons que j’ai retenues des vingt années de tentatives d’introduction d’un système bipartite et d’un pouvoir présidentiel fort en Italie. La défaite de Renzi n’est que le dernier échec de la série.

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