Refonder l’Europe avec les citoyens

Marcel GRIGNARD

Président, Confrontations Europe

Les récentes élections présidentielle et législatives ont mis à jour les fractures de la société française et rejeté massivement les représentants politiques traditionnels. Dans le même temps souffle un vent d’optimisme européen. Pour Confrontations Europe, la présidence qui s’ouvre et s’affiche résolument européenne pourrait permettre de reconquérir citoyens déboussolés et électeurs déçus par le système.

Refonder l’Europe avec les citoyens

Dans un paysage politique bouleversé par la séquence électorale que nous venons de vivre, le président de la République assume l’interdépendance entre enjeux nationaux et européens, et s’est clairement prononcé en faveur d’une refondation de l’Union européenne.
C’est une voie porteuse d’optimisme mais encombrée obstacles. La conduite et le contenu des réformes indispensables à notre pays en constituent l’une des difficultés majeures. Elles sont l’une des conditions aux nécessaires compromis européens.
Confrontations Europe, fort de son indépendance et passerelle entre les acteurs de la société et les institutions, s’inscrit dans ce débat quant aux priorités à définir et à la méthode à mettre en œuvre pour le renouveau politique et démocratique européen.
Les urnes ont confirmé l’existence d’une France fracturée et politiquement déboussolée, expression des crises auxquelles nous sommes confrontées. Il est urgent que les politiques s’attellent à y répondre, à restaurer la confiance tant au niveau national qu’européen.
Au premier tour des présidentielles, les Français se sont répartis en cinq groupes, de poids à peu près équivalents, mais peu homogènes (les abstentionnistes, les électeurs du FN, de la droite, de Macron, de la gauche). Presque la moitié des votants ont choisi un candidat contestant radicalement les institutions et proposant plus ou moins ouvertement une sortie de l’Union européenne. Les rhétoriques populistes se sont installées. Autre regard sur ces clivages de la société entre des retraités et des diplômés qui ont bien plus voté que les 18-29 ans ou les ouvriers sans formation. Elles sont aussi géographiques : au centre de Paris, on a voté à 85,3 % ; à Saint-Denis, à 65,2 %…

L’Europe au cœur des fractures de nos sociétés

L’exclusion au deuxième tour des présidentielles des partis qui ont gouverné notre pays depuis plus d’un demi-siècle, leur faible score aux législatives et le niveau record de l’abstention illustrent l’ampleur de la crise du politique et de la démocratie que nous avons maintes fois évoquée (inefficacité et sclérose, méfiance grandissante des électeurs…). Les références idéologiques ou de classe sociale s’étiolent, l’influence des réseaux sociaux et des relations de la sphère privée augmente.
Si des recompositions politiques peuvent s’opérer assez rapidement, le travail de refondation fondé sur un diagnostic solide prendra du temps.
De multiples facteurs expliquent les choix des électeurs, la plupart illustrent les fractures de la société. Ils sont tout d’abord économiques et sociaux (chômage, pauvreté, familles monoparentales, inégalités sociales…) mais aussi géographiques (distance progressive des centres urbains). Les territoires qui connaissent désindustrialisation et (ou) recul de la présence des services publics vivent un sentiment d’abandon. La globalisation, qui fait de la périphérie « les inutiles » du monde, alimente les votes protestataires.
Les clivages territoriaux mis en évidence par les élections de 2017 apparaissaient déjà lors du référendum de Maastricht en 1992. Le « non » au référendum de 2005 sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) reste dans toutes les mémoires. Qu’est-ce qui a été entrepris pour analyser et réduire la coupure que ce vote a révélée ?
La place importante de l’Europe dans les arguments de campagne n’a pas atténué les clivages sur le sujet. Si les risques liés à une sortie de la monnaie commune sont mieux perçus, cette prise de conscience ne fait pas sur une adhésion à un projet politique commun.
Réduire les fractures, restaurer la confiance entre les responsables politiques et les citoyens doit être un objectif des politiques tant nationale qu’européenne. Répondre aux défis économiques et sociaux, sociétaux et environnementaux, revivifier la démocratie, doit participer d’un même élan. L’échec coûtera très cher.

Sens et contenu du projet politique européen

Le président de la République veut avancer sur la gouvernance de l’euro, sur sa capacité à investir, sur les enjeux du numérique. Il appelle de ses vœux une Europe qui protège (défense, industrie et politique d’échanges, libre circulation des travailleurs…), et entend redonner du muscle au couple franco-allemand. Il appelle enfin à une refondation de l’UE et a proposé pendant la campagne l’organisation de « conventions citoyennes ». Il y a là, globalement, le bon agenda. Reste à en préciser le contenu et décider des priorités.
Au-delà des sujets à traiter, fondamentalement, nous considérons que l’Union européenne doit affirmer sa vision, décider de ce qu’elle veut être dans le monde et définir son rapport au monde, ce qui implique de mettre en cohérence les politiques qui en découlent. Il s’agit d’agir en Europe et dans le monde pour de nouvelles solidarités. De refuser que les uns profitent des opportunités d’un monde chamboulé tandis que les autres en paieraient risques et conséquences. L’Europe doit investir dans le développement économique et industriel, humain, environnemental. En un mot, dans un marché unique conciliant libre circulation et conditions sociales et concurrentielles équitables. L’Union européenne doit développer une politique d’échange prenant en compte ses exigences sur le marché interne en matière environnementale, sociale, fiscale…
Il s’agit de concrétiser la promesse d’une Europe qui protège et prend les moyens d’un nouvel équilibre « finances/économie/social/ sociétal », une Europe solidaire et à la pointe d’un développement inclusif.

Les « conventions citoyennes »

Conseil, Parlement et Commission ont la responsabilité de mettre en place une gouvernance plus efficace de l’Union et de la zone euro, d’avancer sur la fiscalité, le numérique, etc. Mais discussions et décisions restent encore laborieuses, largement ignorées par les citoyens et les effets ne seront pas tous immédiats.
Redonner sens et contenu au projet ¬européen, le refonder ne peut se penser et se réaliser sans les citoyens, encore moins contre eux.
Proposer aux Européens de répondre aux questions « que voulons-nous faire ensemble ? », « Comment souhaitons-nous bâtir notre destin commun ? » est devenu un ¬leitmotiv de Confrontations et c’est à ce prix que nous parviendrons à bâtir un projet dans lequel les Européens se reconnaîtront et pour lequel ils s’engageront. La proposition d’Emmanuel Macron de mettre en place des « conventions citoyennes » dans l’ensemble de l’Union dès la fin 2017 va dans ce sens. Au-delà de l’enjeu européen qui est central, c’est aussi un moyen de prendre à bras-le-corps la crise politique et démocratique qui affecte notre société et de faire refluer les tendances radicales et populistes qui pourraient un jour conduire au chaos.
Dans le mandat qui s’ouvre à l’Assemblée Nationale, réformes nationales et politiques européennes devraient être étroitement liées ce qui devrait changer la manière de les aborder. Favoriser la participation des citoyens et de la société civile, les impliquer et les responsabiliser est un impératif pour réduire la méfiance vis-à-vis du politique, vis-à-vis de l’Union européenne et sortir de la crise démocratique. C’est en recherchant la cohérence entre le contenu des politiques et les moyens d’associer la société à un projet qui la concerne que la rénovation souhaitée avancera sur ses deux jambes.

En faveur des conventions citoyennes !

Pour Confrontations Europe, les conventions citoyennes proposées par le candidat Macron portent en elles la possibilité de revivifier l’Europe, la réconcilier avec ses citoyens. Nous en soutenons le principe et proposons des premières pistes pour en faire un outil efficace et adapté aux enjeux :
• Les « conventions citoyennes » doivent permettre de réduire la distance entre les citoyens et l’Union européenne et rompre avec les démarches institutionnelles et descendantes. Leurs modalités doivent être adaptées aux réalités nationales, permettre l’expression des fractures, tentations de repli, attentes concrètes vis-à-vis de l’Europe… qui ont leurs spécificités nationales. Il faudra évidemment faire converger les processus au niveau européen pour « faire ensemble en Europe ». Ce doit être un processus de construction d’une identité européenne qui ne se substitue pas aux identités nationales mais les transcende.
• Elles doivent être organisées au niveau des collectivités locales pour toucher tous les citoyens désireux d’y participer (en évitant le verrouillage des discussions par les tenants de dogmes quels qu’ils soient). Il faut y constituer des panels représentant la diversité des points de vue et de la société. Ni démocratie directe, ni simple consultation, il s’agit d’un espace de délibération s’inscrivant dans la durée.
• Elles doivent impliquer la société civile (citoyens et société civile qui les organisent ne se confondent pas). Les associations (dont certaines concentrées sur les enjeux européens), les organisations syndicales et professionnelles, les entreprises forment une société civile structurée et responsable, intermédiaire entre la représentation politique et les citoyens. Elle est un moyen irremplaçable de redynamisation de la démocratie et de dépassement de la crise du politique, alors qu’elle est historiquement considérée avec méfiance par le pouvoir politique.
• Elles doivent aborder à la fois le point de vue général et les attentes spécifiques en matière de défense, de migrations, d’économie, de social, de démocratie. Cela participe à donner sens et contenu à une politique européenne qui apporterait une plus-value par rapport aux solutions nationales, dans une subsidiarité repensée.
Un comité de pilotage organisé en collège (citoyens, organisations de la société civile, élus nationaux et européens…) serait un moyen d’assurer continuité, contenu et qualité du processus, d’éviter son institutionnalisation. Il pourrait traiter de la structuration, du contenu, du déroulement des travaux, de la communication. L’articulation entre les processus nationaux ayant leurs spécificités et la convergence européenne est un point clé. La région pourrait en être le lieu pivot.

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