Nouveau départ

Michel BARNIER

Ancien ministre, chef de la négociation pour l’Union européenne avec le Royaume-Uni

En 1992, paraissait le premier numéro de la Revue Confrontations Europe. La même année était signé le traité de Maastricht instituant l’Union européenne. Nous étions alors au lendemain de l’effondrement de l’Union soviétique et l’Europe s’unifiait à grande vitesse, en se dotant notamment d’une monnaie commune. Vingt-cinq ans plus tard, nous pouvons être fiers du chemin parcouru : l’Union s’est élargie aux dimensions d’un continent connaissant une période de paix et de prospérité sans précédent. Les défis ne sont toutefois pas moins grands et, si nous n’y prenons garde, ils pourraient mettre à bas un édifice pour lequel nous sommes nombreux, particulièrement autour de cette revue, à nous être engagés.

Nouveau départ

Ces défis sont géopolitiques : les affrontements en Ukraine, la guerre en Syrie, la fragilité des États du Maghreb, la diffusion du terrorisme islamiste et le repli stratégique américain mettent définitivement fin à l’ère de stabilité dont a pu, un temps, bénéficier l’Union. Ils sont économiques et sociaux : l’Union ne s’est pas complètement remise de la crise de 2008, comme l’attestent les niveaux de la dette publique de nombreux États membres ainsi que la permanence d’un chômage important en leur sein. Ils sont également politiques : les partis eurosceptiques ou anti-européens sont certes aussi vieux que l’Union elle-même, ils n’ont pourtant jamais paru si proches des portes du pouvoir, aux Pays-Bas, en Italie mais aussi en France.

La conjonction de ces crises, à laquelle il faudrait ajouter l’afflux migratoire auquel l’Union peine à faire face, explique en partie le vote d’une majorité de citoyens britanniques pour le Brexit. Ce vote, nous devons le regarder en face, sans confondre populisme et sentiment populaire.

Il est de notre devoir d’apporter des réponses à ce dernier. Ceci suppose de retrouver les fondements de l’économie sociale de marché dont nous nous sommes progressivement éloignés et de faire, à nouveau, de l’Union notre meilleure protection face à un monde injuste, incertain et fragile. Dans ce monde, nous devrons renforcer nos outils en matière de sécurité et de défense : c’est le sens des propositions émises récemment par Federica Mogherini en faveur d’une défense européenne industrielle et opérationnelle. Nous devrons également investir davantage dans notre avenir commun, en relevant nos ambitions en matière d’innovation, de recherche et d’éducation. Plus que jamais, nous avons besoin de projets mutuels rassemblant les États membres autour d’efforts communs, sans chercher à mettre fin aux souverainetés et aux singularités de chacun. C’est l’ambition et la raison du plan Juncker.

Tel est l’esprit qui anime la Commission européenne, au lendemain de la publication d’un Livre blanc proposant aux chefs d’État et de gouvernement des chemins pour demain et à la veille du Sommet de Rome, qui célébrera les 60 ans de la construction européenne. Formons le vœu que ces commémorations nous conduisent à renouer avec l’audace, l’ambition et la vision qui forment, depuis l’origine, le socle de notre Union. Un tel anniversaire ne peut être marqué par la nostalgie. Il doit être un nouveau départ ! Tout au long de cette nouvelle route, les institutions européennes et leurs dirigeants auront bien besoin de la réflexion constructive et jamais complaisante de think tanks tels que Confrontations qui doit tant à Philippe Herzog et à ses équipes.

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