Les conditions de la Renaissance européenne

Tribune

Philippe Herzog, président fondateur, et Marcel Grignard, président de Confrontations Europe, figurent parmi les  premiers signataires de la tribune publiée par le journal La Croix « La Renaissance européenne ne sera possible qu’à certaines conditions », en lien avec le séminaire « Passé et avenir de la civilisation européenne ». Le colloque conclusif se tiendra le 15 mai prochain. Retrouvez la liste des signataires à la fin de l’article.

Dans sa tribune « Pour une Renaissance européenne », le président Emmanuel Macron propose d’organiser avec les représentants des institutions européennes et des États « une Conférence pour l’Europe afin de proposer tous les changements nécessaires à notre projet politique, sans tabou, pas même la révision des traités. Cette conférence devra associer des panels de citoyens, auditionner des universitaires, les partenaires sociaux, des représentants religieux et spirituels. Elle définira une feuille de route pour l’Union européenne traduisant en actions concrètes ces grandes priorités. »

Une société civile partie prenante

Nous, universitaires, responsables de think tank européens et représentants de différentes traditions religieuses, nous nous tournons dès à présent vers les institutions européennes pour contribuer à l’organisation de cette Conférence européenne afin que la société civile en soit pleinement partie prenante. Depuis plusieurs années, dans le cadre du pôle de recherche du Collège des Bernardins, des experts des questions européennes travaillent sur les nécessaires évolutions du projet politique européen (2). Nous présenterons nos propositions le 15 mai 2019 au cours d’un colloque dédié à l’avenir de la civilisation européenne (3).

Une définition de la personne humaine

Pour nous la Renaissance européenne ne sera possible que si elle est fondée sur ce qui est au cœur de notre histoire européenne, à savoir une définition originale mais essentielle de la personne humaine. Cette Renaissance exige aussi une vision plus géopolitique de la construction européenne. Enfin elle implique une participation de tous les citoyens européens à la définition du bien commun de l’Europe et de l’ensemble de la planète.

À cette heure décisive pour l’avenir de l’Europe, nous voulons rappeler en effet que la civilisation européenne repose avant tout sur des personnes. L’individu, dans la tradition philosophique et religieuse européenne, est un sujet de droit mais il ne peut s’accomplir qu’en relation avec autrui et en prenant part au bien commun des communautés concrètes auxquelles il appartient. C’est pourquoi nous considérons que toute relance de la réflexion sur l’avenir de la civilisation européenne doit être en mesure de redécouvrir la notion de communauté chère aux pères fondateurs de la Communauté Economique Européenne. Cette dimension radicalement transcendante de la personne a également pour conséquence de réhabiliter la notion de sens, que porte en Europe de grands historiens, théologiens et philosophes comme Andrea Riccardi, John Milbank ou Jean-Marc Ferry. Ceci implique qu’un travail pan-européen soit accompli par les chercheurs sur une nouvelle conception du savoir authentiquement transdisciplinaire, pour permettre une approche globale des réalités humaines.

Une vision plus politique du projet européen

Ceci ne signifie pas pour autant que nous souhaitions revenir à une gestion fonctionnaliste, apolitique, des affaires européennes. Nous souhaitons au contraire une vision plus politique, voire plus géopolitique, du projet européen. Comme l’écrit Nicolas Tenzer, face aux menaces qui déstabilisent de plus en plus l’Union européenne nous ne pouvons tenir en même temps un discours de coopération économique et de réarmement stratégique (4). Il nous faut donc articuler plus étroitement la politique étrangère européenne avec les principes communs aux Européens. Et il faut accomplir ce travail, sur des sujets aussi différents que la gestion des migrants ou la transition énergétique, en respectant le principe de la subsidiarité, du niveau personnel, familial et social, jusqu’à celui de la communauté des nations européennes.

Enfin nous encourageons les citoyens européens à se saisir de leur avenir. Cela signifie bien évidemment que nous les encourageons à aller voter lors des prochaines élections européennes en faveur des partis qui défendent des propositions en faveur du bien commun. À plus long terme il leur faudra s’impliquer dans tous les projets qui contribuent simultanément à préserver les différents échelons de vie communautaire et à dépasser leurs replis sur soi qu’ils soient d’ordre culturel, linguistique ou confessionnel. À ce titre toutes les expériences menées en matière de découverte des courants culturels, d’échanges éducatifs, d’apprentissage des langues et de dialogue œcuménique seront à soutenir.

Élections européennes 2019 : dates, modes de scrutin… toutes les infos

L’une des grandes figures de la Renaissance européenne, François Rabelais, expliquait que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Nous aimerions ajouter cet adage pour le siècle qui vient : « La politique sans les personnes et leurs communautés n’est que ruine du bien commun ».

  • Premiers signataires : Antoine Arjakovsky, historien, codirecteur du département « Politique et religions » au Collège des Bernardins, France. Zoltan Bécsi, historien, chargé de cours à Sciences Po, France/Suisse. Marcel Grignard, président de Confrontations Europe, France. Christophe de Voogd, historien, France/Pays-Bas. Enrico Letta, Doyen de l’Ecole des Affaires internationales de Sciences Po, Président de l’Institut Jacques Delors, Ancien Premier ministre italien (2013-2014). Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, France. Panagiotis Grigoriou, professeur à l’Université de l’Egée, Grèce. Philippe Herzog, président fondateur de Confrontations Europe, France. Manussos Marangudakis, sociologue, université d’Egée, Grèce. Norbert Nagy, théologien, université de Fribourg, Suisse/Hongrie. Basarab Nicolescu, physicien théoricien et philosophe, France. Philippe Segretain, Semaines sociales de France, France. Ursula Serafin, directrice de la Maison de l’Europe de Paris, France. Constantin Sigov, directeur du Centre Européen des Recherches en Sciences Humaines, Université Mohyla de Kiev ; Directeur de la maison d’édition « Duh i Litera », Ukraine. Dimitrios V. Skiadas, professeur de gouvernance européenne, Université de Macédoine, Grèce. Bernard Snoy, président international de la Ligue Européenne de Coopération Economique, Belgique. Andreas Troumbis, professeur d’écologie, Université de l’Egée, Grèce Henryk Woźniakowski, président des éditions Znak, Pologne. Rowan Williams, ancien archevêque de Cantorbéry et primat de la Communion anglicane, Maître du Magdalene College à l’université de Cambridge, Royaume-Uni.

1 http://www.leparisien.fr/politique/pour-une-renaissance-europeenne-la-lettre-d-emmanuel-macron-aux-europeens-04-03-2019-8024766.php

2 https://media.collegedesbernardins.fr/content/pdf/Recherche/Bernardins_livre_Europe_web%20def.pdf

3 https://www.collegedesbernardins.fr/content/quel-avenir-pour-la-civilisation-europeenne

4 https://www.huffingtonpost.fr/nicolas-tenzer/devant-lurgence-historique-leurope-geopolitique-est-la-seule-reponse_a_23683715/

 

Tribune accessible à l’adresse : https://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/Renaissance-europeenne-sera-possible-qua-certaines-conditions-2019-04-05-1201013784

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