Le dialogue social sectoriel comme acteur nécessaire

Sylvain LEFEBVRE

Secrétaire général adjoint d’Industriall Europe

Le « nouveau départ pour le dialogue social » au niveau européen voulu par le président Juncker suppose de s’appuyer aussi sur le dialogue social sectoriel.

Comment parler du dialogue social sans prendre en compte, au préalable, la situation actuelle de l’Europe qui vit certainement la crise identitaire la plus importante de son histoire avec le Brexit, l’afflux des réfugiés, la désindustrialisation, le chômage (des jeunes en particulier), le dumping social etc. Dans un tel contexte, les institutions européennes ne pourront pas sortir de cette situation si elles ne prennent en compte l’ensemble des acteurs que composent aujourd’hui l’Europe des 28 (et sans doute bientôt des 27) et plus particulièrement les partenaires sociaux qui sont souvent forces de propositions mais encore trop peu entendus.

Pour la fédération des syndicats industriels, Industriall Europe, le dialogue social est une partie intégrante du modèle social européen, il doit être un pilier et un levier pour influencer la politique européenne. Le dialogue social européen doit permettre de déterminer, à tous les niveaux européens, la place et le rôle des partenaires sociaux. La Commission européenne ne peut pas en faire l’impasse tant au niveau interprofessionnel que sectoriel, ni traiter la question des relations industrielles sans prendre en compte l’expertise et les orientations nécessaires proposées par les partenaires sociaux. Sinon elle prend le risque de développer une politique qui va à l’encontre de l’intérêt de nos industries, de nos salariés et de l’Europe.
De même, la Commission européenne doit garantir l’autonomie et « prioriser » la consultation des partenaires sociaux mais le succès du dialogue social européen nécessite aussi un renforcement et un engagement de plus en plus important, et à tous les niveaux, des partenaires sociaux. Nous avons aussi notre responsabilité dans le développement du dialogue social européen.

Le dialogue social européen a connu sa période faste sous Jacques Delors qui a reconnu et inscrit dans le marbre le rôle des partenaires sociaux, et l’a concrétisé par des accords trans¬posés en directives. Mais, à cette époque, des personnalités à la Commission européenne, comme Jackie Morin, convaincu du rôle du dialogue social inter-sectoriel et sectoriel, ont été plus que des facilitateurs.
Sous la présidence Barroso, le dialogue social a vécu sa période noire, en particulier dans les comités sectoriels, entre réduction des moyens, développement des consultations publiques, remise en cause de l’autonomie des partenaires sociaux, etc. Il est évident que la Commission européenne, durant cette période, n’a pas respecté le traité qui rappelle que « la Commission a pour tâche de promouvoir la consultation des partenaires sociaux au niveau de l’Union et (doit) prend(re) toute mesure utile pour faciliter leur dialogue »(1).

Changement de cap avec Jean-Claude Juncker, qui a souligné l’importance d’un dialogue social performant, et permis, en mars 2015, l’adoption d’une déclaration quadripartite sur « un nouveau départ pour le dialogue social ». Cette déclaration a été bien accueillie par les partenaires sociaux. Mais, après plus d’un an, les pratiques actuelles de la Commission quant au dialogue social européen et au rôle des partenaires sociaux sont plutôt en contradiction avec les déclarations de la Commission sur l’avenir du dialogue social.
Certes, il y a eu quelques initiatives de la Com¬mission axée sur le dialogue social intersectoriel, mais peu a été entrepris en faveur des comités de dialogue social sectoriels et pourtant, ces dernières années, on peut saluer des prises de positions importantes : COP 21, ETS (système communautaire d’échanges de quotas d’émission de gaz à effet de serre), Politique énergétique et industrielle, Reach, innovation et numérisation, emploi des jeunes… Des discussions sérieuses menées avec des associations d’employeurs ont aussi permis de créer les conditions pour de futurs nouveaux comités de dialogue social sectoriels. Bref, le sectoriel produit et prend ses responsabilités.
Mais il convient de clarifier dans toutes les institutions de l’UE ce que le concept de « partenaire social » signifie réellement et ce que le dialogue social sectoriel européen peut et ne peut pas fournir.

Pour Industriall Europe, le dialogue social sectoriel au niveau européen doit être conçu comme un moyen d’influencer les politiques européennes, comme une plateforme de discussion et de consultation ainsi que comme un outil permettant d’élaborer des actions et des positions communes pour défendre les intérêts de nos membres dans leurs secteurs.

1) Art. 154.1 TFUE

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