L’accord sur le « budget » de la zone euro, loin d’être une « révolution »…

Lorène WEBER

Chargée de mission Finances et Jeunes, Confrontations Europe

Le 8 juillet dernier, une discussion était organisée par le think tank bruxellois Bruegel, autour de Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, au sujet de l’accord de budget de la zone euro. Le 14 juin dernier, les ministres des Finances des 19 Etats membres de la zone euro ont effectivement enfin trouvé un accord sur les principaux axes d’un budget commun. Est-ce vraiment la « révolution » annoncée par Bruno Le Maire ? Au vu des ambitions à la baisse, des nombreux éléments-clés encore en cours de discussion (si ce n’est enterrés ?) et des réticences de certains pays, notamment les Pays-Bas, on peut en douter.

Une « révolution » et une « très bonne nouvelle » : voici comment Bruno Le Maire a qualifié l’accord trouvé sur les principaux axes du budget de la zone euro. Révolution selon lui, car il est enfin possible d’utiliser le terme de « budget de la zone euro », ce qui était impossible il y a encore deux ans lorsque les discussions avec l’Allemagne ont commencé. Cette première affirmation est déjà discutable : si le terme de budget de la zone euro peut être utilisé dans des discours ou les médias, il s’agit en réalité d’un raccourci. Les documents et déclarations officielles de l’Eurogroupe et du Conseil se gardent bien de parler d’un « budget de la zone euro », mais préfèrent le terme d’« instrument budgétaire de convergence et de compétitivité », intégré en fait au budget de l’UE.

 

Le « budget » de la zone euro : un puzzle bien incomplet

 

Le budget de la zone euro ne sera donc pas autonome, celui-ci étant intégré au budget de l’UE. Son montant sera décidé dans le cadre financier pluriannuel (2021-2027), et donc à 28 (27 après le Brexit, si Brexit il y a), et non pas à 19. A l’heure actuelle, ce « budget » ne dispose donc pas de ressources propres. En théorie, rien n’empêche ce budget de se doter plus tard de ressources propres, issues par exemple d’une taxe sur les transactions financières, d’une taxe carbone aux frontières ou d’une taxe GAFA, mais ce point, encore « en discussion », semble loin d’aboutir.

 

Par ailleurs, l’enveloppe globale sera très limitée, ne financera ni services publics européens ni politiques sociales européennes, un mécanisme de stabilisation est absent, et la possibilité d’apporter une aide financière urgente à un pays en difficulté en est écartée… Difficile de croire donc, que cet instrument permettra à la zone euro de devenir plus compétitive et plus solidaire, bien que Bruno Le Maire ait insisté sur ces deux aspects, en citant notamment à plusieurs reprises les faiblesses de l’UE face à la concurrence et à la croissance des Etats-Unis et de la Chine.

 

Bruno Le Maire affirme que tous ces points sont encore « en discussion », mais comment un budget plus ambitieux pourrait-il aboutir, alors que certains Etats membres s’y refusent ? Le Premier ministre des Pays Bas, Mark Rutte, s’oppose ainsi clairement à tout mécanisme de stabilisation au niveau de la zone euro.

 

Bruno Le Maire reconnaît lui-même le travail restant à accomplir, mais considère qu’il était préférable d’adopter ce premier accord, bien qu’incomplet et peu ambitieux, plutôt que de ne pas avoir d’accord du tout, pour pouvoir ensuite aller plus loin. Cet avis est loin d’être partagé par tous les observateurs : le Financial Times, mesuré, parle de « petits pas », le Monde d’un « désaveu pour Emmanuel Macron », EurActiv d’un mécanisme de stabilisation en « coma artificiel », et des acteurs de la société civile tels que les Jeunes Européens Fédéralistes d’un accord « inutile ». Comment qualifier autrement un « budget » dont ni la gouvernance ni les sources de financement ne sont arrêtées ?

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