Jeunes et européens !

Katarina CIRODDE

Chargée de mission, Confrontations Europe

Depuis 2006, Confrontations Europe a mis en place un programme mobilisant de jeunes Européens de différents horizons et pays dans le but de décrypter le sentiment européen des jeunes et de rendre cette Europe plus à l’écoute et plus proche d’eux.

Jeunes et européens !

Haro aux idées reçues ! Les jeunes s’intéressent à la politique et à l’Europe. C’est ce que Confrontations Europe a constaté à travers les programmes menés sur les jeunes, qui au fil des années ont pris différentes appellations : intitulé « Cercle 009 » en 2006, ils ont été rebaptisés « Cercle des jeunes » en 2010, pour devenir « YES-EU ! » à partir de 2011. La démarche vise à ras­sembler des jeunes de moins de 35 ans – nou­veaux arrivants à la Commission, assistants parlementaires, étudiants, jeunes actifs, salariés des représentations régionales, entrepreneurs et artistes – qui partagent une envie : celle de s’impliquer dans le débat européen, d’échanger avec les décideurs et de faire des propositions politiques. Implanté à Bruxelles, ce groupe s’est voulu résolument européen avec des jeunes venant d’au moins quinze pays de l’Union et de pays candidats, et ouvert aux franges de la population non initiées à l’Europe.

Le programme porte sur l’insertion professionnelle des jeunes, l’éducation et la formation professionnelle, la mobilité ainsi que sur la participation politique. Au-delà du suivi de l’actualité européenne, les pilotes du groupe ont organisé une soixantaine de rencontres avec des représentants d’institutions communautaires et des acteurs socio-économiques pour décrypter les initiatives législatives et les bonnes pratiques en œuvre au sein des États membres. De ces discussions nourries sont remontées des idées fortes comme la nécessité d’un lien plus étroit entre les entreprises et le monde de l’éducation, l’indispensable valorisation de l’apprentissage et la démocratisation du programme Erasmus. Ce travail n’aurait pu être réalisé sans de riches partenariats avec l’AFEV, Think Young, les Jeunes Européens, Loupiote, Erasmus Student Network, le comité jeunes de la Confédération européenne des Syndicats…

L’initiative européenne pour l’emploi des jeunes et la Garantie pour la jeunesse adoptées par l’UE en 2014 ont été l’opportunité pour Confrontations Europe de s’intéresser de plus près aux questions d’accompagnement des jeunes dans leur insertion professionnelle, et plus particulièrement des plus éloignés du marché du travail. Voulant s’extraire de la bulle bruxelloise, le groupe a mené deux nouveaux projets, en 2015 en Île-de-France et en 2016 en Hauts-de-France, avec l’objectif d’aller rencontrer des jeunes adultes non familiarisés aux questions européennes et de suivre sur le terrain la mise en œuvre de ces deux initiatives européennes. Les nombreux échanges que nous avons eus avec les participants, que ce soit des jeunes suivis par des missions locales, des écoles de la deuxième chance, des étudiants, des apprentis, ou encore avec les structures en charge de politiques d’emploi, font ressortir le même constat : les initiatives menées par l’Union européenne en direction des jeunes sont trop peu connues, la mobilité est perçue comme inaccessible et la voix des jeunes ne semble pas être entendue. Cette démarche bottom-up a confirmé l’importance d’ouvrir des espaces d’échanges entre jeunes et décideurs. Reste maintenant à aller confronter les perspectives et expériences de nos jeunes Français avec celles de Polonais, Italiens, Allemands… afin de faire émerger une conscience collective en faveur du projet européen.

Katarina CIRODDE, chargée de mission, Confrontations Europe


L’engagement au cœur du projet européen

Dans le contexte actuel, troublé en France et en Europe, le volontariat et l’engagement européen sont des éléments structurants du parcours des jeunes. Ils doivent le devenir pour tous.

L’ouverture des programmes européens de mobilité à des publics fragilisés (jeunes venant de zones rurales isolées, de zones urbaines défavorisées, peu ou pas diplômés, etc.) est une vraie nécessité. Pour ces jeunes, le volontariat ­européen est un challenge mais est surtout une opportunité pour entrer dans un processus d’émancipation, de réflexion et d’action. Les retombées sont multiples pour soi, pour son pays et pour l’Union européenne.

L’Europe s’incarne à travers l’engagement des jeunes : se sentir européen devient enfin une réalité. La construction de l’Union européenne doit émerger du bas, par ses citoyens et s’appuyer sur sa jeunesse.

Le lancement du Corps Européen de Solidarité, s’il s’inscrit dans cette logique, sera une opportunité d’amplifier le volontariat européen, de multiplier de nouvelles opportunités d’engagement et de mobilité à la jeunesse.

Djamel BENIA, directeur de l’ADICE (Association pour le développement des initiatives citoyennes et européennes)


Investir dans les compétences

L’Union européenne fait face depuis plusieurs années à une situation ­paradoxale : un niveau de chômage élevé, particulièrement chez les jeunes, en même temps qu’une difficulté pour les employeurs à pourvoir les emplois disponibles. On estime en effet à 2 millions le nombre ­d’emplois non pourvus en Europe.

L’investissement dans les compétences doit être une priorité, parce que l’élévation des niveaux de qualification impacte positivement la valeur ajoutée des biens et services produits et prépare l’économie de l’avenir, et parce qu’il est urgent de trouver des réponses à l’inadéquation entre l’offre disponible d’éducation et de formation, les choix individuels des personnes en situation de se former, et les besoins réels du marché du travail.

L’Agenda pour des compétences nouvelles pour l’Europe, présenté par la Commission européenne en juin 2016, va dans la bonne direction. Il envoie aux États membres un message politique fort sur la nécessité de mettre en place des dispositifs d’acquisition des compétences de base, d’élévation des compétences numériques – la pénurie de compétences dans ce domaine est particulièrement forte – et de valorisation de l’apprentissage, voie d’insertion des jeunes sur le marché du travail particulièrement efficace.

Pour autant, moins de la moitié des élèves du secondaire en Europe étaient inscrits en 2012 dans un programme d’enseignement professionnel (avec d’importantes disparités entre les États membres, la fourchette allant de 70 % en Autriche à 13 % à Chypre). Ceci tient largement au déficit d’image dont souffre l’apprentissage, mais aussi dans certains pays à une gouvernance des systèmes inefficace, notamment du fait de l’insuffisante coopération entre les pouvoirs publics et les entreprises. Dans ce contexte, il faut agir sur au moins deux leviers : l’orientation afin que chacun, quand il choisit une formation, ait accès au taux d’insertion dans l’emploi des diplômes préparés et, en second lieu, la coconstruction des programmes d’éducation et de formation, avec une implication rapprochée des entreprises pour mieux répondre aux besoins des entreprises.

Valoriser l’apprentissage, c’est aussi donner aux apprentis l’accès à la mobilité géographique. Il faut aujourd’hui réunir l’ensemble des acteurs pertinents pour comprendre les freins au développement de la mo­bilité des apprentis et concevoir des solutions permettant aux apprentis européens de partir dans un autre pays pour ap­prendre d’autres techniques, une autre langue, appréhender une autre culture, en somme, gagner en compétences et en agilité.

Garance PINEAU, directeur adjoint des relations sociales, Medef et présidente du comité Éducation et Formation de BusinessEurope


Mobilité des apprentis, encore un effort

En 2017, l’Agence Erasmus+ France/ Éducation Formation célèbre les 30 ans du programme Erasmus+ : 9,1 millions de citoyens européens en ont déjà bénéficié à travers les 33 pays participants. Dans cet ensemble, seuls 1,3 million de jeunes de l’enseignement et de la formation professionnelle y ont eu accès. Ce résultat est positif, mais insatisfaisant dans le contexte économique et social que nous connaissons.

Harmoniser le programme Erasmus+ sur le modèle Erasmus de l’enseignement supérieur est devenu nécessaire. Depuis 1995, en France, plus de 145 000 apprentis, élèves de la formation professionnelle et demandeurs d’emploi français sont partis à l’étranger pour des séjours de deux semaines à un an (3 à 4 semaines en moyenne). En outre, plus de 16 700 enseignants, formateurs et tuteurs de la formation professionnelle ont tiré parti d’un séjour pour échanger ou construire des projets innovants. Les Français bénéficiaires de ces mobilités ne s’y trompent pas : 90 % des apprentis sont satisfaits de leur mobilité ; 66 % considèrent qu’ils ont acquis des compétences linguistiques réutilisables et que le séjour va améliorer leurs chances de trouver un emploi.

Pourtant, les financements disponibles sont insuffisants pour satisfaire la demande : en 2016 en France, seuls 50 % des demandes de bourses Erasmus+ en formation professionnelle ont été accordées (35 167 demandes pour 17 966 bourses financées). Disposer de financements à la hauteur de la demande permettrait de dépasser le chiffre de 4 % d’apprentis mobiles observé dans les CFA les plus dynamiques en Europe. Il a été démontré que la mobilité contribue à la réussite des étudiants du supérieur : des stages plus longs doivent donc être encouragés, y compris en dehors des pays participants. La reconnaissance des compétences en Europe serait accélérée par une inscription des périodes de stage en Europe et à l’international au sein des cursus d’apprentissage. Cela permettrait de mieux répondre à la demande des entreprises et d’attirer de nouveaux candidats.

Laure COUDRET-LAUT, directrice de l’Agence Erasmus+ France/Éducation Formation

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