Hommage : Les combats de François Chérèque

Marcel Grignard, président de Confrontations Europe, mais aussi ancien secrétaire général adjoint de la CFDT (de 2009 à 2012), a côtoyé de près et au quotidien François Chérèque, secrétaire général de la CFDT de 2002 à 2012, disparu, à tout juste 60 ans. Il lui rend hommage dans les colonnes de Témoignage Chrétien du 12 janvier 2017.

Hommage : Les combats de François Chérèque

Secrétaire général de la CFDT de 2002 à 2012, décédé le 2 janvier à l’âge de 60 ans, François Chérèque incarnait un syndicalisme soucieux de réduire les inégalités et d’être utile aux salariés n’hésitant pas comme lors de réforme des retraites de 2003 à négocier des compromis qui suscitaient la controverse. Marcel Grignard, secrétaire général adjoint de la CFDT de 2009 à 2012, lui rend hommage.

Dans les moments qui ont suivi l’annonce du décès de François Chérèque, des voisins, des amis, des gens qu’on dit ordinaires et pour certains n’ayant qu’une vague idée du syndicalisme, d’autres engagés dans la société, dans des associations… de nombreuses personnes m’ont fait part de leur tristesse et témoigné leur amitié. Comme un miroir aux hommages plus officiels relayés par les médias. Diversité des hommages signifiant que sa profonde humanité et sa simplicité étaient perçues bien au-delà de ceux qui l’ont côtoyé. Son rôle de dirigeant syndical n’effaçait pas l’homme, le tout faisant corps en cohérence avec l’action de la CFDT qu’il incarnait.

Homme intègre, profondément humain et à l’écoute, attentif à ceux qui en avait le plus besoin, responsable et courageux, ce qu’était François Chérèque est indissociable de son action et il a su conduire la CFDT dans la continuité des jalons posés avant lui et dans l’adaptation d’une société dont il cherchait en permanence à capter et comprendre l’évolution. Dans ces années de transition difficiles qui vont obliger pour un bon bout de temps à réinventer nos sociétés, sous sa responsabilité, l’action de la CFDT aura été déterminante tant en matière de garanties collectives pour les travailleurs que dans un début de transformation du syndicalisme.

Il affirmait que le syndicalisme est mortel, qu’il devait gagner en légitimité, modifier ses pratiques et sa relation aux salariés. Ce qui a conduit notamment à la réforme de la représentativité faisant des salariés les décideurs, et incluant un volet incluait les règles de transparence financière à laquelle il tenait, considérant qu’on devait rendre des comptes et être irréprochable en la matière.

Un syndicalisme utile aux salariés, réduisant les inégalités, était une de ses obsessions. On cite souvent les « carrières longues » (cette possibilité de partir en retraite plus tôt quand on a démarré jeune sa vie professionnelle) ; en 2003 d’aucuns y ont vu une trahison, en d’autre temps on aurait parlé d’acquis de la classe ouvrière et, sous la conduite de François Chérèque, la CFDT a négocié beaucoup d’autres dispositifs directement applicables aux salariés. Par exemple, l’accord emploi de 2008 qui a proposé une approche globale d’une politique d’emploi (assurance chômage, formation et compétence, évolution du contrat de travail) a abouti à mettre l’indemnité de licenciement de base au niveau de l’indemnité du licenciement économique, ce qui a correspondu à son doublement. C’est par des mesures de ce genre que l’on peut réduire fortement les manipulations possibles dans les entreprises dépourvues de représentation collective et qui concerne des millions de salariés.

Il n’était pas calculateur, tirait enseignement des désaccords et des échecs, était lucide sur ses limites. Gestion difficile du compromis de 2003 sur les retraites et accord Unedic revenant sur les droits des chômeurs (les recalculés de 2004) ont fortement secoué la CFDT mais c’est aussi ce qui a conduit au renouveau du débat interne, à l’attention portée au rôle et aux paroles des militants, à la place du travail.

François Chérèque, ce sont les valeurs du syndicalisme plongées dans la société d’aujourd’hui et l’hommage rendu à l’homme public, resté simple et fidèle à ses valeurs, est une forme de reconnaissance de tous ces militants syndicaux qui, quelle que soit l’organisation à laquelle ils sont affiliés, se battent avec courage et sincérité pour rendre plus facile la vie de ceux qu’elle a moins bien servie, de tous ceux qui, à leur manière, transcendent les différences pour un mieux vivre ensemble quand tant d’indifférence mine nos sociétés et nous rend aveugle à la pauvreté, l’exclusion, les inégalités. L’engagement de François Chérèque porte un message d’espoir et de persévérance.

« J’avais faim et vous m’avez donné à manger… J’étais étranger et vous m’avez accueilli… », les versets de l’évangile de Mathieu prononcés lors de la cérémonie d’adieu à François nous rappellent, chrétien ou non, à notre devoir d’humanité.

Je fais partie de ceux à qui il a fait confiance, qui ont eu le bonheur de travailler avec lui et sais ce que je lui dois. Je n’ai jamais vu ses intérêts personnels interférer dans ses choix et son action. J’ai vu bien avant qu’il l’annonce comment il a pensé son départ dans l’intérêt de son organisation. J’ai pu vérifier que chez lui, confiance dans son entourage se traduisait par autonomie et soutien, ce qui n’excluait pas l’exigence et les coups de gueule. Tout n’était pas facile, loin s’en faut, mais il a été de ceux qui nous permettent de grandir dans leur ombre par la confiance et le respect qu’ils nous portent.

Marcel Grignard

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