Gouvernance de l’union de l’énergie : un équilibre fragile

Morgane GORET-LE GUEN

Chargée de mission, Energie et Numérique, Confrontations Europe

Le séminaire organisé par Confrontations Europe à Bruxelles le 28 septembre 2017 a débattu de la proposition de gouvernance de l’Union de l’Énergie et souligné les réticences qu’elle soulève.

C’est là une initiative majeure destinée à transformer le paysage énergétique européen. Le Paquet Énergie Propre, présenté par la Commission Européenne en novembre 2016, revient dans un ensemble complexe de textes, sur les mesures à mettre en place, notamment sur les objectifs d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables au niveau européen. Pour couronner cet édifice, la proposition relative à la gouvernance détaille les moyens donnés à la Commission pour s’assurer que l’UE respecte la trajectoire convenue pour 2030. L’enjeu est de taille : sans une gouvernance solide, le futur de l’Union de l’Énergie sera compromis ainsi que les engagements pris par l’UE dans le cadre de l’Accord de Paris. À Bruxelles et dans les capitales européennes, le texte alimente de vives discussions qui se cristallisent autour de l’éternel débat : quel arbitrage entre liberté des États et transfert de compétences vers l’UE ?

Une tension apparaît entre la nécessité de s’assurer que les objectifs de lutte contre le changement climatique pris au niveau de l’UE seront bien atteints, et le besoin de mettre en place un dispositif de gouvernance suffisamment flexible pour assurer une transition « en douceur ». La proposition de règlement établit l’obligation pour chaque État d’élaborer un plan national fixant des trajectoires de progression pour chaque objectif. Les projets de plan seront soumis à la Commission et celle-ci pourra formuler des recommandations que les États seront tenus d’appliquer. Avec cette proposition de gouvernance, la Commission convertit donc de facto des indicateurs européens en objectifs nationaux contraignants, allant ainsi à contre-courant de la volonté exprimée par les États lors du Conseil Européen d’octobre 2014. La Commission va s’efforcer de convaincre les États qu’elle ne les surveillera pas avec un gros bâton, mais ces derniers s’affichent en faveur de textes plus souples.

Des défis sous-estimés ?

La gouvernance réduite à une évaluation par objectif et par État met de côté un certain nombre de facteurs extérieurs, tels que les variations d’activité économique, et néglige les interactions entre les différentes politiques européennes. Garder une vue d’ensemble demeure pourtant crucial si l’on veut s’assurer du soutien des citoyens européens. Une transition peu flexible risque ainsi d’entraîner de sérieuses difficultés sociales : les pertes d’emplois ne seront pas toujours compensées, car les nouveaux emplois ne bénéficieront pas nécessairement aux régions frappées par les fermetures, et parce que la hauteur des objectifs amènera à privilégier les équipements importés. C’est ce type de défis très concrets qu’une gouvernance de l’Union de l’énergie devrait intégrer. Des investissements colossaux seront indispensables pour transformer certains secteurs de l’industrie, ce qui invite aussi à penser la gouvernance à travers le critère de la compétitivité, face au risque de voir la production délocalisée vers des régions moins regardantes.

Enfin, la superposition d’objectifs élevés et rigides perturbe certains instruments de la politique de lutte contre le changement climatique de l’UE, comme le système d’échanges de quotas d’émissions de l’UE (ETS(1)), qui ne parvient pas à orienter suffisamment les investissements en faveur de la transition énergétique. Bien que l’existence de ces objectifs ne soit pas le seul facteur responsable du prix déprécié du carbone, ce manque de cohérence peut avoir des conséquences néfastes : un prix du carbone trop bas freine la conversion de la production électrique conventionnelle vers des sources faiblement émettrices et requiert des aides financières considérables pour stimuler les énergies renouvelables. Des investissements d’autant plus nécessaires qu’après l’annonce du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, l’Union européenne se doit d’être exemplaire.

1) Emission Trading System, soit système d’échange de quotas d’émissions de l’UE (SEQE-UE).

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