Gérer le retour des combattants de Syrie et d’Irak

Gilles de KERCHOVE

Coordinateur de l’Union Européenne pour la lutte contre le terrorisme

L’Europe doit se préparer à gérer le retour des combattants déçus par Daech. Comment accueillir ces returnees ? Faut-il gérer, au coup par coup, ces retours ou entreprendre une démarche plus coordonnée, et transfrontalière afin de créer un environnement propice à leur réinsertion ?

Le recul militaire de Daesh a pour conséquence la perte de contrôle par l’organisation terroriste de portions considérables de territoires en Irak et en Syrie. Cette évolution pourrait signifier pour les pays européens d’avoir à gérer un retour massif de combattants sur leur territoire. Il convient pour cette raison de se préparer dès à présent à réfléchir ensemble à la meilleure façon de gérer le retour des recrues de Daesh (mais également d’autres groupes comme Al Nosra) du Proche Orient, ainsi que de Libye, de Somalie et du Yémen.

Que souhaitons-nous ? Faut-il être en position d’attente et voir comment évoluent ces retours ? Ou bien encourager un retour contrôlé d’autant de recrues de Daesh que possible ? Un tel choix, s’il était fait, aurait d’un côté l’avantage de gérer le problème de façon moins étalée dans le temps, tout en posant un certain nombre de défis en termes de capacités d’absorption et de sécurité.
Dans tous les cas, une coopération étroite avec la Turquie sera essentielle, tout en ayant à l’esprit que l’intérêt d’Ankara est sans doute de réduire au maximum la période de transit sur son territoire.

L’exemple des repentis de la mafia
Il faudra également trouver le bon cadre juridique pour « accueillir » les returnees. Sans avoir de règles européennes communes, il conviendra toutefois de veiller à ce qu’il y ait une forme de correspondance entre les politiques des États membres à ce sujet.
Si l’objectif devait être d’encourager le désenbrigadement de nos ressortissants de Daesh, une source d’inspiration pourrait être la politique menée en Italie envers les repentis de la mafia, qui peuvent bénéficier d’une protection, tout comme leurs familles. Dans un tel cas de figure, nous pourrions imaginer de voir un État membre placer un détenu dans un autre État membre. Dans le cas des repentis, des adaptations législatives, dans le sens des recommandations d’un récent rapport parlementaire en France, peuvent par ailleurs être envisagées.
Il faut certes distinguer différentes catégories de returnees : les vrais repentis et les autres, ceux dont on a connaissance et ceux qui demeurent introuvables, ceux qui sont revenus car ils n’ont pas pu entrer en Irak ni en Syrie, mais qui en avaient l’intention. Il y a par ailleurs le cas des enfants nés dans le « Califat », qui n’ont pas de certificat de naissance, des mariages polygames, etc.
Cela rend par conséquent difficile l’évaluation du risque. Comment un returnee, même repenti, va-t-il gérer d’éventuels syndromes post-traumatiques ? Comment garantir son engagement en dehors de toute forme de radicalisme ? Comment se comportera-t-il au contact d’anciens compagnons d’armes ?

La criminalisation du fait de se rendre en Irak et en Syrie pour y combattre pourrait rencontrer rapidement certaines limites. Au premier rang desquelles, dans un nombre probablement important de cas, la difficulté de recueillir des preuves matérielles. À cela s’ajoute le fait qu’un nombre important de returnees demeure dans la pratique en liberté.
D’où la nécessité de développer en parallèle, dans les cas paraissant appropriés bien sûr, des politiques alternatives à la prison. L’une des possibilités est de s’appuyer sur l’expérience du Réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RAN). Il conviendrait également d’impliquer davantage les familles, les amis et les associations locales (religieuses, culturelles, sportives, etc.) afin de créer un environnement propice à la réinsertion des returnees.

Il faut enfin avoir à l’esprit qu’un certain nombre de nos ressortissants, placés dos au mur en Syrie et en Irak, pourraient être tentés de migrer vers d’autres zones de conflit, notamment celles contrôlées par Daesh. C’est une évolution qu’il convient de suivre de près, en lien avec les pays de transit concernés.
Cela implique, comme sur les autres sujets, un degré de coopération sur le plan européen comme international qui soit à la hauteur de l’enjeu.

Les opinions exprimées dans cet article sont les siennes et ne représentent pas nécessairement les positions du Conseil de l’Union européenne.

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