Face à l’urgence climatique, l’enjeu est financier

Pierre Ducret

Conseiller climat et COP21
du groupe Caisse des Dépôts, président d’I4CE,
Institute for Climate Economics

La transition vers une économie bas carbone nécessitera la mobilisation de montants élevés et réguliers de capitaux dans les prochaines décennies. Si cette question financière figure parmi les principaux enjeux de la COP21, elle dépasse largement l’obtention d’un accord à Paris et doit mobiliser l’ensemble du secteur financier.

Serpa power plant is a solar energy plant that generates 21 gigawatt-hours of power per year. The electricity it generates it supplied to the national grid which is then used to supply power to 8,000 homes. The Serpa solar power plant is a joint project of GE Energy Financial Services, PowerLight Corporation, and the Portuguese renewable energy company Catavento. It is an 11-megawatt solar power plant, located on a 150-acre hillside area in Serpa, 124 miles southeast of Lisbon. It is made up of 52,000 photovoltaic modules, which track and follow the sun to generate current and produce electricity.
Tenir la promesse de Copenhague. Pour adhérer à un accord à Paris, à l’issue de la Conférence internationale sur le changement climatique (COP21), les pays en développement ont fixé une condition : que les pays développés tiennent l’engagement qu’ils ont pris il y a six ans, lors de la COP15 de Copenhague, d’atteindre un rythme annuel de transferts de 100 milliards de dollars en 2020. Aujourd’hui, cette promesse est crédible : en octobre, une étude de l’OCDE(1), versée au dossier des négociateurs, a établi qu’en 2014, 62 milliards de dollars de financements étaient atteints. Le Fonds vert pour le climat sera l’un des outils de mobilisation de ces moyens. Les engagements récents des institutions financières multilatérales – la Banque Mondiale notamment – et des banques publiques de développement d’augmenter le volume de leurs financements pour des projets d’atténuation et d’adaptation indiquent que l’objectif des « 100 milliards de dollars » est atteignable.
Mais, à l’échelle mondiale, des flux de « trillions» (milliers de milliards de dollars) seront nécessaires pour adapter toutes les économies à l’objectif de maintien du réchauffement en deçà de 2 degrés. Il s’agira avant tout de réorienter les financements traditionnellement alloués à des secteurs et technologies fortement émetteurs de carbone, en particulier les énergies fossiles, vers ceux qui contribuent à la transition : énergies renouvelables, efficacité énergétique, dans le transport, l’industrie, la ville, mais aussi agriculture durable et préservation de la forêt…
Pour comprendre comment cette bascule globale est liée à la négociation climatique, il faut avoir à l’esprit que les organisateurs de la COP21 ont instauré un dispositif à plusieurs niveaux permettant de mobiliser tous les acteurs de la société en faveur du climat. En premier lieu, la négociation proprement dite porte sur la recherche d’un accord universel, qui s’appliquera à tous les États dans les mêmes termes. Deuxièmement, chaque État a été également invité à élaborer une contribution nationale(2), définissant un objectif de réduction ou de plafonnement de ses émissions et des moyens pour y parvenir. Début octobre, 147 États avaient rendu publique leur contribution, couvrant 87 % des émissions mondiales de carbone(3). Selon les estimations(4), l’application de ces programmes permettrait de limiter le réchauffement à 2,7 °C. Ce résultat, d’ores et déjà très notable, témoigne en particulier de la forte implication des pays les plus émetteurs, la Chine et les États-Unis. Afin de renforcer ces contributions dans les années qui viennent, il est envisagé que l’accord de Paris comporte une clause d’examen et de révision périodique de ces objectifs.
Enfin, les négociateurs ont souhaité mobiliser directement tous les acteurs de l’économie, sur lesquels reposera finalement la transition vers un modèle bas carbone, à travers un dispositif qu’ils ont appelé le Lima Paris Action Agenda qui les encourage à prendre également des engagements. Les acteurs décisifs seront les entreprises, les collectivités territoriales et bien sûr le secteur de la finance, afin de réorienter les capitaux vers un modèle économique moins émetteur de carbone.

Le signal-prix du carbone

La plupart des acteurs économiques, qui souhaitent agir en faveur du climat, au premier rang desquels le secteur financier, font d’abord un plaidoyer auprès des autorités publiques pour qu’elles instaurent un prix du carbone. Pour peu qu’il soit à la fois élevé et crédible dans la durée, un tel signal permet de modifier l’appréciation du couple rendement- risque à l’origine des décisions de financement et d’investissement et donc d’allouer rationnellement les capitaux en faveur des secteurs et projets de la transition énergétique et écologique.
En 2015, une quarantaine de pays ou régions, représentant près de 40 % du PIB mondial, ont mis en place un prix du carbone via des systèmes de quotas ou des taxes carbone, couvrant près de 12 % des émissions de GES(5) mondiales. Parmi eux, une vingtaine de systèmes de quotas sont actuellement en fonctionnement ou en cours de mise en oeuvre(6).
L’Union européenne a été la première à instaurer un système de quotas en 2005, aujourd’hui le plus grand au monde, couvrant les secteurs de l’industrie et de l’énergie. Avec un prix du carbone faible depuis 2011, le système est en cours de réforme. L’objectif est d’adresser un signal-prix en cohérence avec l’ambition de décarbonisation de l’économie européenne de 40 % à l’horizon 2030. En complément de ce prix européen, 14 États membres se sont dotés d’une fiscalité carbone portant sur des secteurs économiques qui ne sont pas couverts par le système européen de quotas.

La fin de la neutralité de la finance

Depuis quelques années, ne serait-ce que dans la perspective de ces nouvelles politiques, les acteurs financiers prennent conscience de l’enjeu climatique qui affectera leurs activités à long terme. Ils l’abordent par l’analyse des risques. Ainsi la fréquence accrue d’événements climatiques extrêmes pèse directement sur les assureurs. Les investisseurs, voire les banques, prennent également de plus en plus au sérieux le risque « carbone », inclus dans leurs portefeuilles d’actifs ou de prêts. Le G20 a d’ailleurs demandé en 2015 au Comité de stabilité financière d’évaluer ce risque climatique à l’échelle mondiale. Certains en saisissent aussi les opportunités : progressivement, des outils financiers publics sont créés pour faciliter la mobilisation des capitaux privés en réduisant les coûts et les risques des investissements bas carbone. Parallèlement, certains segments du marché sont d’ores et déjà très rentables. C’est le cas en particulier des projets d’énergies renouvelables en Afrique ou en Amérique latine.
En ayant étendu les ambitions climatiques bien au-delà de l’obtention d’un accord entre États, la COP21 a déjà engrangé un succès. Elle a permis de mobiliser le secteur financier, depuis les régulateurs jusqu’aux professionnels. C’est aujourd’hui dans un cadre bien plus large que se met progressivement en place une démarche de suivi et de stimulation des initiatives et engagements de l’industrie financière.

1) Voir sur le site de l’OCDE : http://www.oecd.org/env/cc/
oecd-cpi-climate-finance-report.htm.
2) Contribution nationale ou Intended nationally determined contribution (INDC).
3) Toutes les contributions : http://www4.unfccc.int/submissions/
indc/Submission%20Pages/submissions.aspx.
4) http://climateactiontracker.org/global.html.
5) Gaz à effet de serre.
6) Californie, Union européenne, Chine, Japon, Québec, Kazakhstan,
Nouvelle-Zélande, Norvège, Afrique du Sud, Tokyo, Suisse, etc.

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