Doit-on fixer un nouvel objectif contraignant aux énergies renouvelables ?

Michel CRUCIANI

Chargé de mission au centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières de l’université Paris-Dauphine.

Selon Michel Cruciani, cette contrainte qui a été imposée aux énergies renouvelables a eu des effets négatifs pour les consommateurs et pour les États. Pourquoi vouloir précipiter un phénomène qui, selon lui, est inéluctable ?

Dans de nombreuses régions du monde connaissant une croissance économique soutenue, les énergies renouvelables s’insèrent désormais dans le mix local de production d’électricité, le coût des composants ayant baissé, fortement pour les panneaux photovoltaïques et de manière significative pour les fermes éoliennes. On enregistre également des baisses sensibles pour le biogaz, la géothermie, ou l’hydroélectricité, mais ces dernières dépendent des conditions locales, très variables, et les ressources disponibles restent plus limitées que le vent et le soleil, ce qui restreint leurs débouchés.
Un surcoût des mécanismes incitatifs pour les consommateurs En Europe, la production d’électricité bénéficie d’un parc conventionnel (charbon, gaz, nucléaire) encore suffisant pour satisfaire une consommation que l’on s’efforce de réduire par d’onéreux programmes d’efficacité énergétique. Aussi, malgré les progrès mentionnés ci-dessus, le courant provenant de sources renouvelables reste plus coûteux que celui émanant du parc existant, déjà amorti en termes comptables et qui dis- pose d’une infrastructure bien adaptée.
Les pays souhaitant promouvoir les nouvelles énergies ont donc été amenés à concevoir des dispositifs incitatifs. Le mécanisme le plus répandu consiste à rémunérer chaque kWh à un tarif garanti sur une longue période, de 15 à 20 ans. Le surcoût entre le tarif garanti et le prix du kWh sortant d’une centrale classique est réparti sur les consommateurs. En 2014, ce surcoût a atteint 23,6 milliards d’euros en Allemagne, 3,7 milliards d’euros en France. En sus de cette majoration, le consommateur européen assume également sur sa facture une large part des renforcements de réseau nécessaires pour accueillir les nouvelles installations, plus disséminées que les anciennes, et parfois situées loin des lignes existantes. Enfin, le consommateur est souvent confondu avec un contribuable qui alimente par ses impôts les subventions directes aux producteurs, que celles-ci soient nationales (par exemple le crédit d’impôt développement durable, le fonds chaleur de l’ADEME) ou régionales. Les sommes correspondantes dépassent probablement un milliard d’euros par an en France.
Les ajustements du cadre réglementaire par les gouvernements éviteront- ils les dérives de coûts ? Les tarifs d’achat garanti ont longtemps été fixés à des niveaux très avantageux pour les producteurs. Sur un échantillon de 91 installations photovoltaïques, la Commission de Régulation de l’Energie a constaté que le rendement du capital investi dépassait 18 %. C’est mieux que la Caisse d’Épargne… La Commission européenne exige dorénavant que la nature de cette rémunération change, passe d’un tarif à une prime, et que son niveau soit établi au terme d’une mise en concurrence par une procédure d’appels d’offres, au moins pour les grandes installations.
Cet objectif européen contraignant va encore alourdir la facture Mais dans le même temps, la Commission milite pour un objectif d’énergies renouvelables contraignant pour 2030, situé à 27 % en moyenne du mix énergétique, ce qui représente en réalité 45 % d’électricité de sources renouvelables, compte tenu des perspectives étroites de la chaleur ou des carburants d’origine renouvelable (je ne comprends toujours pas ce que cela veut dire). Sur un marché où la demande est en voie de contraction et l’offre déjà pléthorique, on ne voit pas comment inciter à investir autrement qu’en accordant des primes généreuses. Par ailleurs, on ne voit pas non plus comment absorber une telle proportion d’électricité sans une consolidation sérieuse du réseau.
Primes aux producteurs et renforcement des lignes électriques vont donc continuer à grever la facture des consommateurs. On peut craindre que l’effort ainsi exigé aggrave la situation de certains États, aujourd’hui économiquement éprouvés, exacerbant de ce fait les tensions intracommunautaires. Au nom de la sagesse, on plaidera donc ici pour que l’Union européenne évite de s’imposer un nouvel objectif contraignant. Les énergies renouvelables n’en ont pas besoin. Elles pénètreront le marché européen au rythme de leurs progrès techniques et économiques, qui ne vont plus cesser, et au fil du déclassement des anciennes centrales, qui est inéluctable. Cela n’interdit nullement à certains États d’accélérer le processus par des mesures locales, mais laissons chacun agir en fonction de ses moyens, étant entendu qu’il existe déjà un cadre communautaire très contraignant, la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

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