Coup de chaud sur les relations transatlantiques

Edouard SIMON

Pilote de groupes de travail, Confrontations Europe

La décision du Président Trump de se retirer de l’accord de Paris sur le Climat, prise le 1er juin dernier à la suite d’une « réévaluation des politiques climatiques des États-Unis » pour le moins opaque, jette un trouble au niveau mondial sur la capacité des États-Unis à assumer une part du leadership mondial auquel ils prétendent.

Pour polémique qu’elle puisse être aux États-Unis, la décision du Président Trump de se retirer de l’accord de Paris engage la responsabilité des États-Unis face au monde et, notamment, face à ses alliés (traditionnels) européens. L’effet potentiellement dévastateur que ce retrait des États-Unis (deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre) pour l’avenir de notre planète et notre capacité collective à limiter le phénomène de réchauffement climatique a été régulièrement souligné. Mais, dans le même temps, la question des effets d’une telle décision unilatérale sur l’avenir des relations transatlantiques n’a été que marginalement abordée. Et pourtant, ceux-ci sont potentiellement dévastateurs.
La décision des États-Unis ne symbolise pas seulement un dissensus ponctuel sur un sujet dans un contexte transatlantique déjà tendu, mais potentiellement une divergence d’approche profonde entre Européens et Américains des affaires du monde et des priorités stratégiques. En effet, il est de plus en plus clair que la question climatique devient un nouveau paradigme des politiques européennes et les conséquences de celle-ci ne sont plus – ou alors seulement à la marge – remises en cause – même si de fortes divergences subsistent sur les solutions à apporter et sur leur ampleur. Les politiques industrielles européennes tendent de plus en plus à l’objectif de transition vers une économie bas-carbone, les politiques de sécurité intègrent progressivement les menaces que font peser les bouleversements climatiques sur nos sociétés. En rejetant l’application de l’accord de Paris, les États-Unis semblent se démarquer de l’Europe dans leurs appréciations des menaces et cette attitude fragilise la nature même de la relation transatlantique, pourtant fondée en grande partie sur une communauté de valeurs et sur une approche collective de leur sécurité.
Il y a là en germe les éléments d’une dilution (ou d’une dissolution) des liens entre nos continents, liens pourtant fondamentaux pour l’Europe comme pour les États-Unis.

L’heure de la société civile a-t-elle sonné ?
Mais, les États-Unis ne se résument évidemment pas à la politique aujourd’hui menée par le Président Trump. La communauté du renseignement américaine l’a prouvé, en janvier dernier, en identifiant très clairement les menaces que font peser ces changements sur le futur de l’humanité(1). Par ailleurs, les déclarations énergiques et volontaristes et les engagements pris par de très nombreux acteurs publics, privés, économiques, et sociaux, de se conformer aux objectifs contenus dans l’accord de Paris(2) (voire de les dépasser) témoignent de la prise de conscience aiguë des menaces climatiques… mais aussi des opportunités et du potentiel ¬économique que les changements nécessaires charrient.
Cette mobilisation de la société civile américaine (dont, bien sûr, on ne peut attendre qu’elle se substitue au gouvernement américain) ne vient pas de nulle part. L’Organisation des Nations Unies a su, dans le cadre de son action climatique, prendre acte de l’irruption d’acteurs non-étatiques sur la scène internationale et les associer à la mise en œuvre de solutions aux défis climatiques(3). Une telle démarche permet – on le voit aujourd’hui – l’appropriation des enjeux par les acteurs économiques et sociaux.
Les Européens seraient probablement inspirés, dans l’élaboration de la réponse qu’ils entendent adresser à la décision américaine mais aussi, plus largement, dans la mise en œuvre de leur politique climatique, de mieux associer ces acteurs de la société civile, notamment s’ils veulent dépasser leurs fractures territoriales, sociales et économiques.

1) Cf. le récent rapport Global Trends 2035 publié par le National Intelligence Council en janvier 2017 : www.dni.gov/files/documents/nic/GT-Full-Report.pdf.
2) Cf. l’appel We Are Still In lancé par le milliardaire Michael Bloomberg : www.wearestillin.org.
3) Citons, par exemple, la récente initiative de Zone pour l’action climatique des Acteurs non-étatiques (NAZCA), créée dans la continuité de la COP21 : http://climateaction.unfccc.int.

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