Bratislava, une chance pour l’Europe ? (Audio)

Anne MACEY

Déléguée générale de Confrontations Europe

Retrouvez le podcast de l’interview d’Anne Macey sur RCF (émission du 7 septembre 2016).

A Bratislava, le 16 septembre prochain, se tiendra un sommet informel des chefs d’Etat et de gouvernement qui réunira les 27 Etats membres de l’Union européenne (sans le Royaume-Uni) pour réfléchir sur l’avenir de l’Europe au lendemain du référendum britannique en faveur du Brexit.

Ce qui est clair, c’est que les chefs d’Etat et de gouvernement ne règleront pas tous les problèmes en une nuit, mais s’ils parvenaient à établir un diagnostic commun des problèmes après le vote du Royaume-Uni, pour dire aux Européens « au moins, on vous a compris », ce serait déjà une première étape très importante. Il restera ensuite à passer à l’action, ce qui n’est pas non plus une mince affaire.

Que révèle le vote des Britanniques, qui ont affirmé leur volonté de quitter l’Union Européenne ? Trois points qui pourraient bien être valables, non seulement pour les Britanniques, mais pour beaucoup d’autres peuples européens.

Tout d’abord, il s’agit là d’une crise identitaire de défiance entre peuples européens : les Allemands considèrent que les peuples du Sud, y compris les Français et les Belges, sont des cigales dépensières qui voudraient que les Allemands payent pour eux ; les Grecs et les peuples du Sud pensent que les Allemands les ont plongés dans l’austérité et les Allemands ont le sentiment que les autres Européens les ont lâchés sur la question des réfugiés. Les pays d’Europe centrale ne trouvent pas normal que les autres Européens décident sans eux et veulent leur imposer des quotas obligatoires de réfugiés. Se fait jour une défiance entre Européens, alors que l’Europe, devrait justement avoir la capacité de forger des compromis entre Européens pour être plus forts ensemble.

Ce vote est aussi le signe d’une crise d’une forme de développement économique qui ne bénéficie pas à tout le monde. Il y a les perdants de la mondialisation. Il faut en prendre acte : l’Europe est souvent assimilée à une mondialisation mal aimée.

Enfin, le résultat au référendum souligne la crise de nos démocraties représentatives : les citoyens ne se sentent pas représentés par ceux qu’ils ont élus. Or, l’Europe ne peut pas, ne peut plus se faire sans les peuples.

Cette triple défiance à l’égard d’autrui, de l’« étranger », de l’ouverture au monde, du politique se traduit par un repli national, voire une montée des populismes et des extrêmes.

Le contexte est aussi marqué par les récentes élections en Allemagne dans la région Mecklemburg-Vorpommern, où le parti d’extrême droite, l’AFD, est passé devant la CDU d’Angela Merkel, ce qui a marqué les esprits, même si c’est finalement le parti de gauche le SPD qui a recueilli le plus de suffrages. Ce parti l’a d’ailleurs emporté dans la région notamment parce qu’il a promis d’augmenter les dépenses sociales alors que bien des Allemands ont l’impression que l’argent public ne bénéficiait qu’aux réfugiés, pas à eux. On le voit, la politique d’Angela Merkel d’accueil des réfugiés est critiquée, y compris par le parti de gauche, son allié dans la coalition au pouvoir.

La popularité de la chancelière allemande a plongé : elle était encore à 75% début 2015, elle n’atteint plus que 44% aujourd’hui. Angela Merkel n’a d’ailleurs pas encore annoncé si elle se représentait aux élections en septembre 2017. Elle ne le fera que si elle est sûre d’avoir le soutien du petit parti bavarois (CSU), allié de son parti, qui la critique beaucoup. Dans le même temps, il n’existe pas d’alternative à Merkel : pas de candidats crédibles. Wolfgang Schäuble a 73 ans. Merkel semble irremplaçable. Mais si le parti d’extrême droite monte encore beaucoup, elle pourrait ne pas bénéficier de la même stabilité politique pour gouverner…

Dans ce contexte troublé, le sommet de Bratislava pourrat-il distiller des étoiles dans les yeux des Européens?

Les priorités définies sont les bonnes : reprendre le contrôle sur la sécurité de l’Union, et nous donner les moyens de notre développement économique. Mais le plus probable est que les avancées de Bratislava resteront inaudibles si les citoyens continuent à avoir le sentiment que ces politiques sont menées dans leur dos.

Les Européens continuent de penser qu’ils font partie de l’Union européenne, mais ils ne se sentent pas partie prenante du projet européen. Ils ont le sentiment que l’Europe se fait sans eux, qu’ils n’ont pas prise sur le projet européen.

La crise de l’Europe, c’est aussi une crise du sens et du projet, comme le rappelle le président de Confrontations Europe, Marcel Grignard. Il faut débattre ensemble de ce que nous voulons partager, ce que nous acceptons de partager au sein de la zone euro, sur le marché intérieur.  Le problème est que tout cela se fait sans débat national et européen.

A lire, le récent essai de Philippe Herzog, président fondateur de Confrontations Europe, pour le King’s College of London : « L’Identité de l’Europe, Vers une refondation », Paris, Mai 2016.

Derniers articles

Articles liés

Leave a reply

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici